Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
LA FEMME DU DOCTEUR.

visage, dans ses paupières gonflées, dans ses regards baissés et vagues, quelque chose bien fait pour éveiller les soupçons. Malgré son trouble elle put voir qu’on la regardait avec étonnement, et en un instant toutes les choses cruelles que lui avait dites Gwendoline lui revinrent à l’esprit. Oui, elle se rappela immédiatement ces paroles amères. Elle s’était faite le sujet des langues calomnieuses, et l’histoire de sa passion coupable pour Roland était dans toutes les bouches. Si lui qui aurait dû la connaître, — si lui devant lequel elle avait mis à nu tous les secrets de son âme sentimentale, — si lui, même, pouvait assez mal penser d’elle pour croire qu’elle pouvait quitter son mari et devenir la créature que M. Dombey croyait voir dans sa femme lorsqu’il frappa sa fille dans l’escalier, — cette créature que le juge Brandon rencontra une certaine nuit sous un bec de gaz dans une rue de Londres, — comment pouvait-elle s’étonner que le monde la calomniât et la méprisât ? Les portes du paradis s’étaient brusquement refermées sur elle ; elle était violemment tombée des régions féeriques de son imagination, sur ce monde cruel, impitoyable, glacial, terre-à-terre ; et, naturellement portée à l’exagération, elle se le représentait plus froid, plus dur et plus cruel qu’il n’est. Elle voyait les gens la montrant au doigt dans les rues de Gray bridge ; le sévère pasteur la prenant pour sujet de son sermon dominical.

Elle se représentait tout ce qui est douloureusement démonstratif en matière de mépris et de mise à l’index. Les temps étaient passés où les anciens de Graybridge auraient pu la condamner à faire amende honorable pieds nus, tenant à la main un cierge de cire. Il n’y avait pas de lettre rouge dont on pût la stigma-