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LA FEMME DU DOCTEUR

persuadé qu’il lisait quelque chose de nouveau. M. Colborne aimait fort à s’appesantir sur le charme de cette histoire sublime, et il appuyait plus fréquemment son discours sur quelque passage divin des annales des quatre Évangélistes que sur quelque parole obscure des Épîtres de saint Paul aux Corinthiens ou aux Hébreux. Ce n’est pas ici le lieu pour s’étendre sur M. Colborne ou sur la simple foi chrétienne, qu’il se plaisait à mettre en pratique. C’était un chrétien dans le sens le plus simple et le plus pur du mot. Ses sermons étaient à la portée de l’intelligence d’un paysan ou d’un enfant, mais néanmoins assez remplis et assez profonds pour satisfaire le logicien le plus strict, le critique le plus sévère. Dieu sait que j’écris sur lui et sur son enseignement en toute sincérité, bien que le sujet paraisse avoir si peu de rapport avec l’histoire des erreurs et des fautes d’une jeune femme folle, que je l’aborde avec une sorte de terreur. Je sais seulement qu’Isabel, pleurant silencieusement dans l’angle obscur du banc garni de rideaux, sentit ce qu’elle n’avait jamais éprouvé à l’église de Graybridge : elle se sentit à la fois malheureuse et consolée. Un nouveau héros se leva sur sa vie, et, au milieu d’un flot de lumière aveuglante, elle vit l’image d’un Être digne de tous les cultes ; d’un Dieu que les femmes, depuis l’heure de son arrivée sur la terre jusqu’à cette époque de doute et de critique, ont toujours suivi avec un amour et un respect particuliers ; d’un Dieu qui ne trouve point de honte à compter Marie Madeleine au nombre de ses fidèles, et qui, à jamais revêtu d’une divinité incontestable, n’est jamais si complètement divin que dans sa tendresse compatissante pour la femme. Parmi tous les arguments que peuvent employer ceux qui récla-