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LA FEMME DU DOCTEUR.

ment si énergiquement l’égalité des sexes, je m’étonne que personne n’ait songé à la preuve à tirer de l’accueil que le Rédempteur fait à ces femmes, dont les noms seront à jamais mêlés à son histoire.

Était-il étrange que, tout à coup, Isabel ouvrît l’oreille à la sublime histoire qu’elle avait entendue si souvent, sous une forme ou sous une autre ? Il est certain que la biographie des prédicateurs populaires démontre surabondamment que le ciel a doué certaines voix d’une puissance particulière. Quand Whitefield prêchait l’Évangile aux mineurs de Kingswood, à des créatures vêtues de haillons, qui ne valaient guère mieux que des sauvages, mais qui, assurément, d’une manière ou d’une autre, avaient entendu déjà prêcher l’Évangile, des larmes brûlantes traçaient des sillons blancs sur les joues noires des auditeurs. La voix qui, entre toutes, avait le pouvoir de les émouvoir se faisait entendre, et leurs cœurs ignorants se fondaient. Est-ce l’inspiration ou le magnétisme animal qui donne cette puissance à certaines personnes privilégiées ? ou n’est-ce pas plutôt la puissance de la foi qui donne naissance à une volonté assez forte pour s’emparer de celle des auditeurs et la plier à sa guise ? Quand Danton, débraillé et gigantesque, vociférait ses hideuses demandes de nouvelles hécatombes de victimes humaines, il devait y avoir quelque chose dans le monstre révolutionnaire assez fort pour chasser les sentiments d’humanité ordinaire chez ceux qui l’écoutaient et pour façonner une populace puissante d’après sa propre volonté et son type favori, aussi aisément qu’un géant peut pétrir une masse d’argile. Mirabeau avait raison. Rien n’est impossible à l’homme qui a foi en lui-même. Les masses popu-