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LA FEMME DU DOCTEUR

intention de faire une cour désespérée à sa cousine Gwendoline, et peut-être d’aller jusqu’à lui offrir sa main. Pourquoi ne se marierait-il pas ? Il ne pouvait guère être plus malheureux qu’il n’était ; et un mariage avec Gwendoline serait une manière de se venger d’Isabel. Il était prêt à faire quelque chose de désespéré et d’insensé, si, par cette action, il pouvait toucher ce cœur dur et inflexible. Était-ce généreux ? Non, sans doute. Mais aussi, malgré tout ce qu’on a dit et chanté en son honneur, l’amour n’est nullement une passion généreuse. Roland trouva sa cousine seule dans un salon ouvrant sur le jardin. Elle était occupée à faire des fleurs de cire et paraissait presque aussi fatiguée de son occupation que si elle avait été une malheureuse petite ouvrière travaillant pour gagner un maigre salaire.

— Je suis très-heureuse que vous m’ayez interrompue, Roland, dit-elle, en repoussant tout son attirail de fleuriste, — c’est très-fatigant, et, après tout, les roses sont aussi roides que des camélias. Et puis, si bien réussi qu’il soit, un vase de fleurs artificielles n’est bon qu’à vous rappeler les hôtels des villes de bains de mer. On ne trouve que fleurs artificielles et vases à bouquets en cristal de Bohême dans ces hôtels. Maintenant, Roland, dites-moi ce que vous avez fait et pourquoi vous n’êtes pas venu nous voir. On s’ennuie tant ici !

― Et vous imaginez-vous que ma présence vous distrairait ? — demanda Lansdell avec un rire sardonique. — Non, Gwendoline ; je suis un homme fini, ennuyé et ennuyeux, qu’on tolère dans un salon par égard pour le tailleur du West End qui m’habille. Je ne suis qu’un costume, et je dois savoir gré à M. Poole de la