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LA FEMME DU DOCTEUR.

visiter les malades de George ; mais malheureusement George n’avait pas confiance en M. Pawlkatt : les idées des deux médecins étaient contraires en tout, et l’idée que M. Pawlkatt soignait les pauvres gens des ruelles, et saisissait avec bonheur l’occasion de changer du tout au tout le traitement de son rival, était presque plus dure à supporter que la pensée de l’abandon absolu de ces mêmes malades. Et, outre cela, Gilbert, très-habile lorsqu’il s’agissait des autres, était mauvais juge en ce qui le concernait, et il ne voulut pas s’avouer qu’il avait la fièvre.

— Je suis sûr que Pawlkatt me voit avec plaisir cloué ici, Izzie, — dit-il à sa femme, — pendant qu’il ira chez mes malades et qu’il fera prévaloir ses vieilles théories. Il fera fermer les étroites fenêtres de toutes ces masures dans les ruelles, j’en suis certain, et il rendra l’atmosphère des chambres plus étouffante encore que l’architecte ne l’a faite. Il terrifiera les pauvres femmes en ne laissant pas pénétrer la moindre bouffée d’air pur et il épuisera complètement ces pauvres gens par son traitement drastique. Le docteur Robert James Graves disait que quatre mots suffiraient pour écrire son épitaphe et que ces mots étaient : il nourrissait les fièvres. Pawlkatt fera faire une diète prolongée à ces malheureux. Il est inutile de discuter, ma chère amie, je suis un peu fatigué, mais je n’ai pas plus de fièvre que toi, et je sortirai ce soir. J’irai faire ma tournée chez ces braves gens. Il y a une femme qui demeure derrière l’église, une veuve, dont les trois enfants sont malades ; elle semble avoir confiance en moi, la pauvre âme, comme si j’étais la Providence en personne. Je ne puis oublier le regard qu’elle m’a jeté hier lorsqu’elle se tenait debout sur le seuil de sa