Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
93
LA FEMME DU DOCTEUR

riosité qui me conduisait ? Ou bien le trait cruel m’avait-il déjà frappé ; ma destinée était-elle déjà scellée ? Je ne sais… je ne sais. Je ne suis pas un homme de bien, Izzie ; mais je ne suis pas non plus entièrement corrompu. Je me sauvai de vous, ma bien-aimée, j’essayai d’échapper au grand péril de ma vie ; mais… vous vous rappelez le moine dans la Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. Dans ce livre, il semble que ce soit une histoire sans précédent, mais en réalité, c’est l’histoire la plus commune du monde. Un jour… un jour de désœuvrement… nous regardons par la fenêtre et nous voyons une créature dansant au soleil. De ce moment toute autre préoccupation est finie, oubliée ; nous ne pouvons rien faire que sortir et la suivre où qu’elle veuille nous conduire. Si c’est une sirène malfaisante, elle peut nous entraîner dans les sombres profondeurs de sa grotte et nous dévorer à loisir. Si c’est une ondine, et qu’elle plonge au sein des eaux bleues, rien ne nous empêchera de piquer une tête et d’aller au fond avec elle. Mais si c’est une chère petite créature innocente, digne de notre amour et de notre culte, pourquoi ne serions-nous pas à jamais heureux avec elle, comme les bonnes gens dans les contes de fées ? pourquoi ne projetterions-nous pas une vie brillante de bonheur et de fidélité ? Isabel, ma bien-aimée, je veux vous parler très-sérieusement aujourd’hui. La crise de notre existence est proche, — continua Roland, — et aujourd’hui je saurai si vous êtes la femme sincère que je crois ou seulement une jolie coquette de village, qui s’est ri de moi et qui d’un souffle peut me renvoyer et m’abandonner au gré des vents dès l’instant où je la gênerai. Izzie, je désire que vous répondiez aujourd’hui à une question très-sérieuse, et