Page:Brontë - Un amant.djvu/114

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En parlant ainsi, il prit une bouteille de brandy dans le dressoir et s’en remplit un verre.

— Non, ne le faites pas, suppliai-je, M. Hindley, prenez garde. Ayez pitié pour cet infortuné garçon, si vous n’avez aucun souci de vous-même.

— N’importe qui vaudra mieux pour lui que moi, répondit-il.

— Ayez pitié de votre âme, lui dis-je essayant de lui arracher le verre des mains.

— Non pas ! au contraire, j’aurai grand plaisir à l’envoyer à la perdition, histoire de punir son auteur, cria le blasphémateur. Voici pour sa parfaite damnation !

Il but l’eau-de-vie, et nous ordonna avec impatience de nous en aller, concluant cet ordre par une série d’horribles imprécations, si affreuses que c’est à peine si j’ose me les rappeler.

— C’est grand’pitié qu’il ne puisse pas se tuer lui-même à force de boire ! observa Heathcliff, murmurant à son tour des malédictions quand la porte fut fermée. Il fait bien tout ce qu’il peut dans ce but, mais sa constitution est plus forte. M. Kenneth dit qu’il parierait sur sa jument que ce monstre survivra à tout le monde de ce côté de Gimmerton, et ne s’en ira à la tombe que comme un pécheur couvert d’années ; à moins que quelque heureux hasard l’abatte, en dehors du cours des choses ordinaires.

J’allai dans la cuisine, et je m’assis pour faire dormir mon petit agneau. Je supposais que Heathcliff s’en était allé dans la grange ; mais j’appris plus tard qu’il s’était contenté d’aller à l’autre côté de la chambre, et que là il s’était abattu sur un banc, adossé au mur, loin du feu ; il y était resté sans rien dire.

J’étais occupée à bercer Hareton sur mes genoux en fredonnant une chanson lorsque Miss Cathy, qui m’avait