Page:Brontë - Un amant.djvu/115

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entendue de sa chambre, passa la tête à la porte et murmura.

— Êtes-vous seule, Nelly ?

— Oui, miss, répondis-je.

Elle entra et s’approcha du foyer. Je la regardai, supposant, qu’elle allait me dire quelque chose. L’expression de sa figure semblait embarrassée et anxieuse. Ses lèvres étaient à demi-entr’ouvertes, comme si elle voulait parler, mais au lieu d’une phrase, c’est un soupir qui s’en échappa. Je n’avais, pas oublié sa conduite récente et je repris ma chanson.

— Où est Heathcliff ? dit-elle m’interrompant.

— À son ouvrage dans l’étable, lui répondis-je.

Heathcliff ne me contredit pas ; peut-être s’était-il assoupi.

De nouveau suivit un long silence pendant lequel je vis une larme ou deux descendre de la joue de Catherine et tomber sur le plancher. « Aurait-elle un regret de sa honteuse conduite ? me demandais-je. Voilà qui serait nouveau ; mais elle fera comme elle voudra pour arriver à son sujet, je ne l’y aiderai pas. » — Mais non, elle ne s’inquiétait guère d’aucun sujet, sauf de ce qui la touchait elle-même.

— Oh, chère, fit-elle, je suis très malheureuse !

— Quelle pitié, vous êtes difficile à satisfaire ; tant d’amis et si peu de soucis, et vous ne pouvez pas vous tenir pour contente !

— Nelly, voulez-vous me garder un secret ? poursuivit-elle, s’agenouillant auprès de moi et levant sur moi ses yeux caressants, avec un de ces regards qui chassent la mauvaise humeur lors même qu’on a les meilleures raisons pour s’y laisser aller.

— Votre secret vaut-il la peine qu’on le garde ? demandai-je d’un ton moins maussade.