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À Montbard, sa journée était distribuée avec un ordre et une méthode dont il ne se départit jamais. M. H. Nadault de Buffon, son arrière-petit-neveu et son principal biographe, en a tracé le tableau d’après des renseignements recueillis auprès des vieux serviteurs : « Chaque matin, il se levait à cinq heures. Enveloppé dans une robe de chambre, il quittait sa maison et se dirigeait seul, à l’extrémité de ses jardins, vers la plate-forme de l’ancien château ; la distance était de près d’un demi kilomètre, plusieurs terrasses munies de grilles y conduisaient ; Buffon refermait soigneusement les grilles derrière lui. Un secrétaire l’attendait ; on se mettait aussitôt au travail. Sur une petite table, près de la cheminée, le secrétaire écrivait. Buffon dictait, sans livres, sans notes, sans papiers ; il dictait souvent des pages entières d’un seul trait. Pendant l’été, la porte restait ouverte et Buffon, la tête haute, les bras croisés derrière le dos, se promenait dans les allées, rentrant par instants pour dicter. À neuf heures arrivaient un valet de chambre et un barbier. Le valet de chambre apportait sur un plateau le déjeuner de son maître, un carafon d’eau et un petit pain. Buffon déjeunait, et se faisait coiffer et habiller parfois. Une demi-heure tout au plus était consacrée à la toilette et au déjeuner. Le valet de chambre et le barbier se retiraient en fermant les grilles, et Buffon reprenait son travail, qu’il ne quittait qu’à deux heures pour dîner. »

M. Humbert Bazile raconte de la façon suivante la matinée de Buffon : « Les jours où M. de Buffon ne montait pas à son cabinet de travail, une heure après son lever, Brocard, un de ses valets de chambre, spécialement attaché à mon service, entrait chez moi. Je me levais et je descendais de suite dans la chambre de M. de Buffon. Je le trouvais assis devant son secrétaire placé près de la cheminée, et occupé à parcourir un grand nombre de petites feuilles de papier de toute dimension, qu’il me remettait pour les transcrire suivant leur numéro d’ordre. Puis on passait à la correspondance qu’il me dictait, ou dont il me donnait seulement le sujet ; le tout lui était lu par moi et souvent corrigé, puis recommencé. S’il n’y avait point de correspondance, après avoir écrit les lettres d’invitation à dîner, pendant que M. de Buffon méditait et prenait des notes, assis à mon bureau, voisin du sien, je copiais ses manuscrits. A huit heures entrait Mlle Blesseau, qui venait rendre ses comptes, puis Limer, le premier valet de chambre, qui du service de M. de Voltaire avait passé à celui de M. de Vilette, son neveu, et qui avait quitté ce dernier pour entrer au service de M. de Buffon. M. de Buffon se faisait raser tous les jours. Drouard, à Montbard, et Pierrelet, à Paris, étaient chargés de ce soin. Tel fut, durant tout le temps que je restai près de lui, l’emploi invariable de sa matinée. »

« À Montbard, dit M. H. Nadault de Buffon, on dînait à deux heures ; c’était l’heure où Buffon quittait son cabinet de travail. Avant deux heures, personne ne pouvait le voir, quelque élevé que fût le rang du visiteur ; il y