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ARTICLE XIII

DES INÉGALITÉS DU FOND DE LA MER ET DES COURANTS



On peut distinguer les côtes de la mer en trois espèces : 1o les côtes élevées qui sont de rochers et de pierres dures, coupées ordinairement à plomb à une hauteur considérable, et qui s’élèvent quelquefois à 7 ou 800 pieds ; 2o les basses côtes, dont les unes sont unies et presque de niveau avec la surface de la mer, et dont les autres ont une élévation médiocre et sont souvent bordées de rochers à fleur d’eau, qui forment des brisants et rendent l’approche des terres fort difficile ; 3o les dunes, qui sont des côtes formées par les sables que la mer accumule, ou que les fleuves déposent : ces dunes forment des collines plus ou moins élevées.

Les côtes d’Italie sont bordées de marbres et de pierres de plusieurs espèces, dont on distingue de loin les différentes carrières ; les rochers qui forment la côte, paraissent à une très grande distance comme autant de piliers de marbre qui sont coupés à plomb. Les côtes de France depuis Brest jusqu’à Bordeaux sont presque partout environnées de rochers à fleur d’eau qui forment des brisants ; il en est de même de celles d’Angleterre, d’Espagne et de plusieurs autres côtes de l’Océan et de la Méditerranée, qui sont bordées de rochers et de pierres dures, à l’exception de quelques endroits dont on a profité pour faire les baies, les ports et les havres.

La profondeur de l’eau le long des côtes est ordinairement d’autant plus grande que ces côtes sont plus élevées, et d’autant moindres qu’elles sont plus basses ; l’inégalité du fond de la mer le long des côtes correspond aussi ordinairement à l’inégalité de la surface du terrain des côtes : je dois citer ici ce qu’en dit un célèbre navigateur.

« J’ai toujours remarqué que dans les endroits où la côte est défendue par des rochers escarpés, la mer y est très profonde, et qu’il est rare d’y pouvoir ancrer, et au contraire dans les lieux où la terre penche du côté de la mer, quelque élevée qu’elle soit plus avant dans le pays, le fond y est bon, et par conséquent l’ancrage : à proportion que la côte penche ou est escarpée près de la mer, à proportion trouvons-nous aussi communément que le fond pour ancrer est plus ou moins profond ou escarpé ; aussi mouillons-nous plus près ou plus loin de la terre, comme nous jugeons à propos, car il n’y a point, que je sache, de côte au monde, ou dont j’aie entendu parler, qui soit d’une hauteur égale et qui n’ait des hauts et des bas. Ce sont ces hauts et ces bas, ces montagnes et ces vallées qui font les inégalités des côtes et des bras de mer, des petites baies et des havres, etc., où l’on peut ancrer sûrement, parce que telle est la surface de la terre, tel est ordinairement le fond qui est couvert d’eau ; ainsi l’on trouve plusieurs bons havres sur les côtes où la terre borne la mer par des rochers escarpés, et cela parce qu’il y a des pentes spacieuses entre ces rochers ; mais dans les lieux où la pente d’une montagne ou d’un rocher n’est pas à quelque distance en terre d’une montagne à l’autre, et que, comme sur la côte de Chili et du Pérou, le penchant va du côté de la mer ou est dedans, que la côte est perpendiculaire ou fort escarpée depuis les montagnes voisines, comme elle est en ces pays-là depuis les montagnes d’Andes, qui règnent le long de la côte, la mer y est profonde, et pour des havres ou bras de mer il n’y en a que peu ou point : toute cette côte est trop escarpée pour y ancrer, et je ne connais point de côtes où il y ait si peu de rades commodes aux vaisseaux. Les côtes de Galice, de Portugal, de Norvège, de Terre-Neuve, etc., sont comme la côte du Pérou et des hautes îles de l’Archipelague, mais moins dépourvues de bons havres. Là où il y a de petits espaces