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viron 500 lieues ; cependant les vaisseaux qui partent de la Guinée ne dirigent pas leur cours droit au Brésil, mais ils descendent du côté du sud, surtout lorsqu’ils partent aux mois de juillet et d’août, à cause des vents de sud-est qui règnent dans ce temps. (Voyez Trans. phil. Abr., t. II, p. 129.)

Dans la mer Méditerranée, le vent souffle de la terre vers la mer au coucher du soleil, et au contraire de la mer vers la terre au lever, en sorte que le matin c’est un vent du levant, et le soir un vent du couchant ; le vent du midi qui est pluvieux, et qui souffle ordinairement à Paris, en Bourgogne et en Champagne au commencement de novembre, et qui cède à une bise douce et tempérée, produit le beau temps qu’on appelle vulgairement l’été de la Saint-Martin. (Voyez le Traité des Eaux de M. Mariotte.)

Le docteur Lister, d’ailleurs bon observateur, prétend que le vent d’est général qui se fait sentir entre les tropiques pendant toute l’année n’est produit que par la respiration de la plante appelée lentille de mer, qui est extrêmement abondante dans ces climats, et que la différence des vents sur la terre ne vient que de la différente disposition des arbres et des forêts, et il donne très sérieusement cette ridicule imagination pour cause des vents, en disant qu’à l’heure de midi le vent est plus fort, parce que les plantes ont plus chaud et respirent l’air plus souvent, et qu’il souffle d’orient en occident, parce que toutes les plantes font un peu le tournesol, et respirent toujours du côté du soleil. (Voyez Trans. philos., no 156.)

D’autres auteurs, dont les vues étaient plus saines, ont donné pour cause de ce vent constant le mouvement de la terre sur son axe ; mais cette opinion n’est que spécieuse, et il est facile de faire comprendre aux gens, même les moins initiés en mécanique, que tout fluide qui environnerait la terre ne pourrait avoir aucun mouvement particulier en vertu de la rotation du globe, que l’atmosphère ne peut avoir d’autre mouvement que celui de cette même rotation, et que, tout tournant ensemble et à la fois, ce mouvement de rotation est aussi insensible dans l’atmosphère qu’il l’est à la surface de la terre.

La principale cause de ce mouvement constant est, comme nous l’avons dit, la chaleur du soleil : on peut voir sur cela le Traité de Halley dans les Trans. philos. ; et, en général, toutes les causes qui produiront dans l’air une raréfaction, ou une condensation considérable, produiront des vents dont les directions seront toujours directes ou opposées aux lieux où sera la plus grande raréfaction ou la plus grande condensation.

La pression des nuages, les exhalaisons de la terre, l’inflammation des météores, la résolution des vapeurs en pluies, etc., sont aussi des causes qui toutes produisent des agitations considérables dans l’atmosphère : chacune de ces causes, se combinant de différentes façons, produit des effets différents ; il me paraît donc qu’on tenterait vainement de donner une théorie des vents, et qu’il faut se borner à travailler à en faire l’histoire : c’est dans cette vue que j’ai rassemblé des faits qui pourront y servir.

Si nous avions une suite d’observations sur la direction, la force et la variation des vents dans les différents climats, si cette suite d’observations était exacte et assez étendue pour qu’on pût voir d’un coup d’œil le résultat de ces vicissitudes de l’air dans chaque pays, je ne doute pas qu’on n’arrivât à ce degré de connaissance dont nous sommes encore si fort éloignés, à une méthode par laquelle nous pourrions prévoir et prédire les différents états du ciel et la différence des saisons ; mais il n’y a pas assez longtemps qu’on fait des observations météorologiques ; il y en a beaucoup moins qu’on les fait avec soin, et il s’en écoulera peut-être beaucoup avant qu’on sache en employer les résultats, qui sont cependant les seuls moyens que nous ayons pour arriver à quelque connaissant positive sur ce sujet.

Sur la mer les vents sont plus réguliers que sur la terre, parce que la mer est un espace libre, et dans lequel rien ne s’oppose à la direction du vent ; sur la terre, au contraire, les montagnes, les forêts, les villes, etc., forment des obstacles qui font changer