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non plus que celle que nous avons donnée par le tournoiement des vents et la compression des nuages, ne satisfait pas encore à tout, car on aura raison de nous demander pourquoi l’on ne voit pas plus souvent sur la terre, comme sur la mer, de ces espèces de trombes qui tombent perpendiculairement des nuages.

L’Histoire de l’Académie, année 1727, fait mention d’une trombe de terre qui parut à Capestang près de Béziers : c’était une colonne assez noire qui descendait d’une nue jusqu’à terre, et diminuait toujours de largeur en approchant de la terre, où elle se terminait en pointe ; elle obéissait au vent qui soufflait de l’ouest au sud-ouest ; elle était accompagnée d’une espèce de fumée fort épaisse et d’un bruit pareil à celui d’une mer fort agitée, arrachant quantité de rejetons d’olivier, déracinant des arbres et jusqu’à un gros noyer, qu’elle transporta jusqu’à quarante ou cinquante pas, et marquant son chemin par une large trace bien battue où trois carrosses de front auraient passé ; il parut une autre colonne de la même figure, mais qui se joignit bientôt à la première, et, après que le tout eut disparu, il tomba une grande quantité de grêle.

Cette espèce de trombe paraît être encore différente des deux autres ; il n’est pas dit qu’elle contient de l’eau, et il semble, tant par ce que je viens d’en rapporter, que par l’explication qu’en a donnée M. Andoque lorsqu’il a fait part de l’observation de ce phénomène à l’Académie, que cette trombe n’était qu’un tourbillon de vent épaissi et rendu visible par la poussière et les vapeurs condensées qu’il contenait. (Voyez l’Hist. de l’Acad., an. 1727, p. 4 et suiv.) Dans la même histoire, année 1741, il est parlé d’une trombe vue sur le lac de Genève : c’était une colonne dont la partie supérieure aboutissait à un nuage assez noir, et dont la partie inférieure, qui était plus étroite, se terminait un peu au-dessus de l’eau. Ce météore ne dura que quelques minutes, et dans le moment qu’il se dissipa on aperçut une vapeur épaisse qui montait de l’endroit où il avait paru, et là même les eaux du lac bouillonnaient et semblaient faire effort pour s’élever. L’air était fort calme pendant le temps que parut cette trombe, et lorsqu’elle se dissipa il ne s’ensuivit ni vent ni pluie. « Avec tout ce que nous savons déjà, dit l’historien de l’Académie, sur les trombes marines, ne serait-ce pas une preuve de plus qu’elles ne se forment point par le seul conflit des vents, et qu’elles sont presque toujours produites par quelque éruption de vapeurs souterraines, ou même de volcans, dont on sait d’ailleurs que le fond de la mer n’est pas exempt ? Les tourbillons d’air et les ouragans, qu’on croit communément être la cause de ces sortes de phénomènes, pourraient donc bien n’en être que l’effet ou une suite accidentelle. » (Voyez l’Hist. de l’Acad., an. 1741, p. 20.)





ARTICLE XVI

DES VOLCANS ET DES TREMBLEMENTS DE TERRE



Les montagnes ardentes, qu’on appelle volcans, renferment dans leur sein le soufre, le bitume et les matières qui servent d’aliment à un feu souterrain, dont l’effet, plus violent que celui de la poudre ou du tonnerre, a de tout temps étonné, effrayé les hommes, et désolé la terre : un volcan est un canon d’un volume immense, dont l’ouverture a souvent plus d’une demi-lieue ; cette large bouche à feu vomit des torrents de fumée et de flammes, des fleuves de bitume, de soufre et de métal fondu, des nuées de cendres et de pierres, et quelquefois elle lance à plusieurs lieues de distance des masses de rochers énormes, et que toutes les forces humaines réunies ne pourraient pas mettre en mouvement ; l’embrasement est si terrible, et la quantité des matières ardentes, fondues, calcinées, vi-