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îles ont des volcans, il n’est pas étonnant que le terrain qui en est voisin contienne des matières propres à en former, et que ces matières viennent à s’enflammer, soit par la seule fermentation, soit par l’action des vents souterrains.

Au reste, les îles produites par l’action du feu et des tremblements de terre sont en petit nombre, et ces événements sont rares ; mais il y a un nombre infini d’îles nouvelles produites par les limons, les sables et les terres que les eaux des fleuves ou de la mer entraînent et transportent en différents endroits. À l’embouchure de toutes les rivières, il se forme des amas de terre et des bancs de sable dont l’étendue devient souvent assez considérable pour former des îles d’une grandeur médiocre. La mer, en se retirant et en s’éloignant de certaines côtes, laisse à découvert les parties les plus élevées du fond, ce qui forme autant d’îles nouvelles ; et de même, en s’étendant sur certaines plages, elle en couvre les parties les plus basses, et laisse paraître les plus élevées qu’elle n’a pu surmonter, ce qui fait encore autant d’îles ; et on remarque en conséquence qu’il y a fort peu d’îles dans le milieu des mers, et qu’elles sont presque toutes dans le voisinage des continents où la mer les a formées, soit en s’éloignant, soit en s’approchant de ces différentes contrées.

L’eau et le feu, dont la nature est si différente et même si contraire, produisent donc des effets semblables, ou du moins qui nous paraissent être tels, indépendamment des productions particulières de ces deux éléments, dont quelques-unes se ressemblent au point de s’y méprendre, comme le cristal et le verre, l’antimoine naturel et l’antimoine fondu, les pépites naturelles des mines et celles qu’on fait artificiellement par la fusion, etc. Il y a dans la nature une infinité de grands effets que l’eau et le feu produisent, qui sont assez semblables pour qu’on ait de la peine à les distinguer. L’eau, comme on l’a vu, a produit les montagnes et formé la plupart des îles ; le feu a élevé quelques collines et quelques îles ; il en est de même des cavernes, des fentes, des ouvertures, des gouffres, etc. : les unes ont pour origine les feux souterrains, et les autres les eaux, tant souterraines que superficielles.

Les cavernes se trouvent dans les montagnes, et peu ou point du tout dans les plaines ; il y en a beaucoup dans les îles de l’Archipel et dans plusieurs autres îles, et cela parce que les îles ne sont, en général, que des dessus de montagnes. Les cavernes se forment, comme les précipices, par l’affaissement des rochers, ou, comme les abîmes, par l’action du feu ; car, pour faire d’un précipice ou d’un abîme une caverne, il ne faut qu’imaginer des rochers contre butés et faisant voûte par-dessus, ce qui doit arriver très souvent lorsqu’ils viennent à être ébranlés et déracinés. Les cavernes peuvent être produites par les mêmes causes qui produisent les ouvertures, les ébranlements et les affaissements des terres, et ces causes sont les explosions des volcans, l’action des vapeurs souterraines et les tremblements de terre ; car ils font des bouleversements et des éboulements qui doivent nécessairement former des cavernes, des trous, des ouvertures et des anfractuosités de toute espèce.

La caverne de Saint-Patrice, en Irlande, n’est pas aussi considérable qu’elle est fameuse ; il en est de même de la grotte du Chien en Italie, et de celle qui jette du feu dans la montagne de Beni-Guazeval, au royaume de Fez. Dans la province de Darby, en Angleterre, il y a une grande caverne fort considérable et beaucoup plus grande que la fameuse caverne de Bauman, auprès de la forêt Noire, dans le pays de Brunswick. J’ai appris, par une personne aussi respectable par son mérite que par son nom (milord comte de Morton), que cette grande caverne, appelée Devel’s-Hole, présente d’abord une ouverture fort considérable, comme celle d’une très grande porte d’église ; que par cette ouverture il coule un gros ruisseau ; qu’en avançant, la voûte de la caverne se rabaisse si fort qu’en un certain endroit on est obligé pour continuer sa route de se mettre sur l’eau du ruisseau dans des baquets fort plats, où on se couche pour passer sous la voûte de la caverne, qui est abais-