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et des terres qui en étaient voisines : on peut voir la relation de ce fait bien attesté dans les Transactions philosoph. abr., vol. IV, p. 250.

En 1618, la ville de Pleurs en Valteline fut enterrée sous les rochers, au pied desquels elle était située. En 1678, il y eut une grande inondation en Gascogne, causée par l’affaissement de quelques morceaux de montagnes dans les Pyrénées, qui firent sortir les eaux qui étaient contenues dans les cavernes souterraines de ces montagnes. En 1680, il en arriva encore une plus grande en Irlande, qui avait aussi pour cause l’affaissement d’une montagne dans des cavernes remplies d’eau. On peut concevoir aisément la cause de tous ces effets ; on sait qu’il y a des eaux souterraines en une infinité d’endroits ; ces eaux entraînent peu à peu les sables et les terres à travers lesquelles elles passent, et par conséquent elles peuvent détruire peu à peu la couche de terre sur laquelle porte une montagne, et cette couche de terre qui lui sert de base, venant à manquer plutôt d’un côté que de l’autre, il faut que la montagne se renverse, ou si cette base manque à peu près également partout, la montagne s’abaisse sans se renverser.

Après avoir parlé des affaissements, des éboulements et de tout ce qui n’arrive, pour ainsi dire, que par accident dans la nature, nous ne devons pas passer sous silence une chose qui est plus générale, plus ordinaire et plus ancienne : ce sont les fentes perpendiculaires que l’on trouve dans toutes les couches de terre. Ces fentes sont sensibles et aisées à reconnaître non seulement dans les rochers, dans les carrières de marbre et de pierre, mais encore dans les argiles et dans les terres de toute espèce qui n’ont pas été remuées, et on peut les observer dans toutes les coupes un peu profondes des terrains, et dans toutes les cavernes et les excavations ; je les appelle fentes perpendiculaires, parce que ce n’est jamais que par accident lorsqu’elles sont obliques, comme les couches horizontales ne sont inclinées que par accident. Woodward et Ray parlent de ces fentes, mais d’une manière confuse, et ils ne les appellent pas fentes perpendiculaires, parce qu’ils croient qu’elles peuvent être indifféremment obliques ou perpendiculaires, et aucun auteur n’en a expliqué l’origine ; cependant il est visible que ces fentes ont été produites, comme nous l’avons dit dans le Discours précédent, par le dessèchement des matières qui composent les couches horizontales ; de quelque manière que ce dessèchement soit arrivé, il a dû produire des fentes perpendiculaires ; les matières qui composent les couches n’ont pas pu diminuer de volume sans se fendre de distance en distance dans une direction perpendiculaire à ces mêmes couches. Je comprends cependant, sous ce nom de fentes perpendiculaires, toutes les séparations naturelles des rochers, soit qu’ils se trouvent dans leur position originaire, soit qu’ils aient un peu glissé sur leur base, et que par conséquent ils se soient un peu éloignés les uns des autres ; lorsqu’il est arrivé quelque mouvement considérable à des masses de rochers, ces fentes se trouvent quelquefois posées obliquement, mais c’est parce que la masse est elle-même oblique, et avec un peu d’attention il est toujours fort aisé de reconnaître que ces fentes sont, en général, perpendiculaires aux couches horizontales, surtout dans les carrières de marbre, de pierre à chaux, et dans toutes les grandes chaînes de rocher.

L’intérieur des montagnes est principalement composé de pierres et de rochers dont les différents lits sont parallèles ; on trouve souvent entre les lits horizontaux de petites couches d’une matière moins dure que la pierre, et les fentes perpendiculaires sont remplies de sable, de cristaux, de minéraux, de métaux, etc. Ces dernières matières sont d’une formation plus nouvelle que celle des lits horizontaux dans lesquels on trouve des coquilles marines. Les pluies ont peu à peu détaché les sables et les terres du dessus des montagnes, et elles ont laissé à découvert les pierres et les autres matières solides, dans lesquelles on distingue aisément les couches horizontales et les fentes perpendiculaires ; dans les plaines, au contraire, les eaux des pluies et les fleuves ayant amené une quantité considérable de terre, de sable, de gravier et d’autres matières divisées, il s’en est