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Texel ne peuvent plus recevoir de vaisseaux aussi grands qu’autrefois. On trouve, à l’embouchure de presque tous les fleuves, des îles, des sables, des terres amoncelées et amenées par les eaux, et il n’est pas douteux que la mer ne se remplisse dans tous les endroits où elle reçoit de grandes rivières. Le Rhin se perd dans les sables qu’il a lui-même accumulés ; le Danube, le Nil et tous les grands fleuves ayant entraîné beaucoup de terrain, n’arrivent plus à la mer par un seul canal, mais ils ont plusieurs bouches dont les intervalles ne sont remplis que des sables ou du limon qu’ils ont charriés. Tous les jours on dessèche des marais, on cultive des terres abandonnées par la mer, on navigue sur des pays submergés ; enfin nous voyons sous nos yeux d’assez grands changements de terres en eau et d’eau en terres, pour être assurés que ces changements se sont faits, se font et se feront ; en sorte qu’avec le temps les golfes deviendront des continents, les isthmes seront un jour des détroits, les marais deviendront des terres arides, et les sommets de nos montagnes les écueils de la mer.

Les eaux ont donc couvert et peuvent encore couvrir successivement toutes les parties des continents terrestres, et dès lors on doit cesser d’être étonné de trouver partout des productions marines et une composition dans l’intérieur qui ne peut être que l’ouvrage des eaux. Nous avons vu comment se sont formées les couches horizontales de la terre ; mais nous n’avons encore rien dit des fentes perpendiculaires qu’on remarque dans les rochers, dans les carrières, dans les argiles, etc., et qui se trouvent aussi généralement[1] que les couches horizontales dans toutes les matières qui composent le globe ; ces fentes perpendiculaires sont à la vérité beaucoup plus éloignées les unes des autres que les couches horizontales, et plus les matières sont molles, plus ces fentes paraissent être éloignées les unes des autres. Il est fort ordinaire, dans les carrières de marbre ou de pierre dure, de trouver les fentes perpendiculaires éloignées seulement de quelques pieds. Si la masse des rochers est fort grande, on les trouve éloignées de quelques toises ; quelquefois elles descendent depuis le sommet des rochers jusqu’à leur base ; souvent elles se terminent à un lit inférieur du rocher, mais elles sont toujours perpendiculaires aux couches horizontales dans toutes les matières calcinables, comme les craies, les marnes, les pierres, les marbres, etc. ; au lieu qu’elles sont plus obliques et plus irrégulièrement posées dans les matières vitrifiables, dans les carrières de grès et les rochers de caillou, où elles sont intérieurement garnies de pointes de cristal et de minéraux de toute espèce ; et dans les carrières de marbre ou de pierre calcinable, elles sont remplies de spath, de gypse, de gravier et d’un sable terreux qui est bon pour bâtir et qui contient beaucoup de chaux ; dans les argiles, dans les craies, dans les marnes et dans toutes les autres espèces de terres, à l’ex-

  1. Voyez les Preuves, art. xvii.