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du sommet et des environs, qui y tombent comme dans des réservoirs, d’où elles coulent ensuite sur la surface de la terre lorsqu’elles trouvent une issue. C’est à ces cavités que l’on doit attribuer l’origine des fontaines abondantes et des grosses sources, et lorsqu’une caverne s’affaisse et se comble, il s’ensuit ordinairement[1] une inondation.

On voit, par tout ce que nous venons de dire, combien les feux souterrains contribuent à changer la surface et l’intérieur du globe : cette cause est assez puissante pour produire d’aussi grands effets, mais on ne croirait pas que les vents pussent causer[2] des altérations sensibles sur la terre ; la mer paraît être leur empire, et, après le flux et le reflux, rien n’agit avec plus de puissance sur cet élément ; même le flux et le reflux marchent d’un pas uniforme, et leurs effets s’opèrent d’une manière égale et qu’on prévoit, mais les vents impétueux agissent, pour ainsi dire, par caprice : ils se précipitent avec fureur et agitent la mer avec une telle violence, qu’en un instant cette plaine calme et tranquille devient hérissée de vagues hautes comme des montagnes, qui viennent se briser contre les rochers et contre les côtes ; les vents changent donc à tout moment la face mobile de la mer ; mais la face de la terre, qui nous paraît si solide, ne devrait-elle pas être à l’abri d’un pareil effet ? On sait cependant que les vents élèvent des montagnes de sable dans l’Arabie et dans l’Afrique, qu’ils en couvrent les plaines, et que souvent ils transportent ces sables à de grandes[3] distances et jusqu’à plusieurs lieues dans la mer, où ils les amoncellent en si grande quantité qu’ils y ont formé des bancs, des dunes et des îles. On sait que les ouragans sont le fléau des Antilles, de Madagascar et de beaucoup d’autres pays, où ils agissent avec tant de fureur qu’ils enlèvent quelquefois les arbres, les plantes, les animaux avec toute la terre cultivée ; ils font remonter et tarir les rivières, ils en produisent de nouvelles, ils renversent les montagnes et les rochers, ils font des trous et des gouffres dans la terre et changent entièrement la surface des malheureuses contrées où ils se forment. Heureusement, il n’y a que peu de climats exposés à la fureur impétueuse de ces terribles agitations de l’air.

Mais ce qui produit les changements les plus grands et les plus généraux sur la surface de la terre, ce sont les eaux du ciel, les fleuves, les rivières et les torrents. Leur première origine vient des vapeurs que le soleil élève au-dessus de la surface des mers, et que les vents transportent dans tous les climats de la terre ; ces vapeurs, soutenues dans les airs et poussées au gré du vent, s’attachent aux sommets des montagnes qu’elles rencontrent, et s’y accumulent en si grande quantité qu’elles y forment

  1. Voyez Trans. phil. Abr., vol. ii, p. 322.
  2. Voyez les Preuves, art. xv.
  3. Voyez Bellarmin, De ascen. ment. in Deum.Varen., Geogr. gen., p. 232. — Voyage de Pyrard, t. Ier, p. 470.