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parties hétérogènes ou de différente densité, et de là on doit conclure que, dans chaque planète, la matière est homogène, puisque leur mouvement de rotation est égal ; autre preuve de la séparation des parties denses et moins denses lorsqu’elles se sont formées.

Mais l’obliquité du coup a pu être telle qu’il se sera séparé du corps de la planète principale de petites parties de matière qui auront conservé la même direction de mouvement que la planète même ; ces parties se seront réunies, suivant leurs densités, à différentes distances de la planète par la force de leur attraction mutuelle, et en même temps elles auront suivi nécessairement la planète dans son cours autour du soleil en tournant elles-mêmes autour de la planète, à peu près dans le plan de son orbite. On voit bien que ces petites parties, que la grande obliquité du coup aura séparées, sont les satellites ; ainsi la formation, la position et la direction des mouvements des satellites s’accordent parfaitement avec la théorie, car ils ont tous la même direction de mouvement dans des cercles concentriques autour de leur planète principale ; leur mouvement est dans le même plan, et ce plan est celui de l’orbite de la planète ; tous ces effets, qui leur sont communs et qui dépendent de leur mouvement d’impulsion, ne peuvent venir que d’une cause commune, c’est-à-dire d’une impulsion commune de mouvement, qui leur a été communiquée par un seul et même coup donné sous une certaine obliquité.

Ce que nous venons de dire sur la cause du mouvement de rotation et de la formation des satellites, acquerra plus de vraisemblance, si nous faisons attention à toutes les circonstances des phénomènes. Les planètes, qui tournent le plus vite sur leur axe sont celles qui ont des satellites ; la terre tourne plus vite que Mars dans le rapport d’environ 24 à 15, la terre a un satellite et Mars n’en a point ; Jupiter surtout, dont la rapidité autour de son axe est 5 ou 600 fois plus grande que celle de la terre, a quatre satellites, et il y a grande apparence que Saturne, qui en a cinq et un anneau, tourne encore beaucoup plus vite que Jupiter.

On peut même conjecturer, avec quelque fondement, que l’anneau de Saturne est parallèle à l’équateur de cette planète, en sorte que le plan de l’équateur de l’anneau et celui de l’équateur de Saturne sont à peu près les mêmes ; car, en supposant, suivant la théorie précédente, que l’obliquité du coup par lequel Saturne a été mis en mouvement ait été fort grande, la vitesse autour de l’axe qui aura résulté de ce coup oblique aura pu d’abord être telle que la force centrifuge excédait celle de la gravité, et il se sera détaché de l’équateur de la planète une quantité considérable de matière, qui aura nécessairement pris la figure d’un anneau, dont le plan doit être à peu près le même que celui de l’équateur de la planète ; et cette partie de matière qui forme l’anneau, ayant été détachée de la planète dans le voisinage de l’équateur, Saturne en a été abaissé d’autant sous l’équateur, ce qui fait que, malgré la grande rapidité que nous lui supposons autour de son axe, les diamètres de cette planète peuvent n’être pas aussi inégaux que ceux de Jupiter, qui diffèrent de plus d’une onzième partie.

Quelque grande que soit à mes yeux la vraisemblance de ce que j’ai dit jusqu’ici sur la formation des planètes et de leurs satellites, comme chacun a sa mesure, surtout pour estimer des probabilités de cette nature, et que cette mesure dépend de la puissance qu’a l’esprit pour combiner des rapports plus ou moins éloignés, je ne prétends pas contraindre ceux qui n’en voudront rien croire. J’ai cru seulement devoir semer ces idées, parce qu’elles m’ont paru raisonnables et propres à éclaircir une matière sur laquelle on n’a jamais rien écrit, quelque important qu’en soit le sujet, puisque le mouvement d’impulsion des planètes entre au moins pour moitié dans la composition du système de l’univers, que l’attraction seule ne peut expliquer. J’ajouterai seulement, pour ceux qui voudraient nier la possibilité de mon système, les questions suivantes :

1o N’est-il pas naturel d’imaginer qu’un corps qui est en mouvement ait reçu ce mouvement par le choc d’un autre corps ?