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THÉORIE DE LA TERRE.

contre le courant de la rivière, l’inondation sera beaucoup plus grande qu’elle n’auroit été sans cette cause accidentelle, qui diminue la vitesse de l’eau ; comme au contraire, si le vent souffle dans la même direction que suit le courant de la rivière, l’inondation sera bien moindre, et diminuera plus promptement. Voici ce que dit M. Granger du débordement du Nil.

« La crue du Nil et son inondation a long-temps occupé les savants ; la plupart n’ont trouvé que du merveilleux dans la chose du monde la plus naturelle, et qu’on voit dans tous les pays du monde. Ce sont les pluies qui tombent dans l’Abyssinie et dans l’Éthiopie qui font la croissance et l’inondation de ce fleuve : mais on doit regarder le vent du nord comme cause primitive, 1o parce qu’il chasse les nuages qui portent cette pluie du côté de l’Abyssinie ; 2o parce qu’étant le traversier des deux embouchures du Nil, il en fait refouler les eaux à contremont, et empêche par là qu’elles ne se jettent en trop grande quantité dans la mer : on s’assure tous les ans de ce fait lorsque le vent étant au nord et changeant tout à coup au sud, le Nil perd dans un jour ce dont il étoit crû dans quatre[1]. »

Les inondations sont ordinairement plus grandes dans les parties supérieures des fleuves que dans les parties inférieures et voisines de leur embouchure, parce que, toutes choses étant égales d’ailleurs, la vitesse d’un fleuve va toujours en augmentant jusqu’à la mer ; et quoique ordinairement la pente diminue d’autant plus qu’il est plus près de son embouchure, la vitesse cependant est souvent plus grande par les raisons que nous avons rapportées. Le père Castelli, qui

  1. Voyage de Granger ; Paris, 1745, pages 13 et 14.