Page:Buies - Le Saguenay et le bassin du Lac St-Jean, 1896.djvu/446

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Je m’étais rendu là par amour des voyages et par le besoin de satisfaire une curiosité excitée de plus en plus chez moi par des récits qui me paraissaient bien plus légendaires que véridiques, quoique j’eusse un vague soupçon d’une réalite assurément digne d’être reconnue dans beaucoup de ses traits et exposée aux regards d’un public dont l’attention commençait à être singulièrement éveillée.

Mais une fois parvenu sur les lieux, ma curiosité devint de l’observation, de l’examen. Je voulus me rendre compte, je questionnai tout le monde et je m’initiai par le détail aux conditions de cette intéressante partie de la province dont on savait si peu de chose encore.

Alors, en présence même du dénûment qui s’offrait de tous côtés à mes yeux, j’eus comme une vision prophétique d’un avenir dont rien, dans l’état présent des choses, ne pouvait donner même l’illusion, et je consignai cette vision dans un récit que je fis sous forme de chronique.

Dans la province de Québec, disais-je, il y a l’une à la suite de l’autre trois vallées admirables, vastes, coupées d’innombrables cours d’eau, séparées l’une de l’autre par un espace relativement insignifiant, et que l’on pourrait aisément réunir si l’homme voulait tant soit peut aider la nature qui a tout préparé d’avance. Ces trois vallées, qui sont celles du Saguenay, du Saint-Maurice et de l’Outaoutais, connues et explorées déjà depuis longtemps, n’ont pas encore un chemin non seulement qui les relie entre elles, mais encore qui leur donne simplement une issue, un débouché vers les grands centres situés dans leurs régions respectives. Combien de temps n’avons-nous pas perdu en disputes oiseuses, au lieu de travailler à établir et à affermir solidement notre race sur le sol canadien !…