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du Lac Saint-Jean

lacs et des précipices avec le souci de l’art et la correction du gymnaste, qui ne se laisse jamais prendre qu’avec des précautions infinies et une astuce raffinée, qui, lorsqu’il est blessé, se défend avec fureur, et dont l’ouïe est si délicate que les coureurs de bois sont obligés, pour arriver jusqu’à lui, d’ôter leurs raquettes et de se traîner presque à plat ventre sur la neige, en se dissimulant comme une « motion de non-confiance » ; aux chasseurs du castor enfin, le plus précieux des quadrupèdes, modèle vivant de l’industrie et de la sagacité, qui enseignerait aux hommes à construire des barrages et des écluses, si l’homme n’était pas un être si parfait en lui-même et d’une science si consommée, sans rien apprendre, animal enfin, précieux par dessus tous, pour les trappeurs indiens dans leurs longues courses d’hiver à travers les forêts, lorsqu’ils sont menacés d’inanition.


PAYS DE CHASSE, MAIS NON DE COLONISATION


Toute cette région était bien en effet le domaine des fauves majestueux, des moyens et petits animaux à fourrures, dont la dépouille nous permet d’affronter l’inexorable hiver ; c’était bien un incomparable et un inestimable pays de chasse qui ferait éternellement la fortune d’une de nos industries nationales, mais quels établissements irait-on fonder dans cette contrée d’une physionomie si farouche, d’une charpente si osseuse et si rocailleuse qu’elle excluait toute idée, non seulement de colonisation,