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ment des Dieux, et recapitule et met aultres princeys ou offices moins nécessaires ». Parmi ces offices secondaires, et d’un moindre intérêt pour la cité, figure l’organisation des jeux et des spectacles, ou, si nous laissons parler Oresme, « des agonies ou traveillemens ginastiques » et « des Dionisiaux » (Bibl. Nat., ms. fr. 22.499, fol. 172 vo).

Ce dernier mot ne saurait, à coup sûr, être compris des lecteurs sans explication. Aussi, fidèle à sa méthode habituelle, Oresme s’efforce-t-il d’en analyser le contenu par une allusion aux usages de son temps :

« C’estoit ce que l’en appelle a Paris les jeux la ou l’en fait dittés et rimes, et aucunes fois l’en se met en diverses figures, et telz jeux estoient jadiz faiz es festes de un dieu appellé Liber Pater et par aultre nom Dionisius, et de ce sont ils dis Dyonisiaulx, si comme aultres festes estoient dittes Saturnales, et, selon ce, Macrobes intitula un livre qu’il fist De Saturnalibus ».

C’est déjà un fait d’importance que Nicole Oresme, plus averti de la littérature et de la civilisation grecques que la plupart de ses contemporains, ait saisi pour la première fois la relation qu’il pouvait y avoir entre le théâtre français et l’ancien théâtre grec. Bien plus il essaie d’établir le processus d’évolution en mentionnant les Saturnales. Si cette indication demeure vague et sommaire, elle suffit du moins pour marquer le rapprochement sous ses aspects essentiels.

Les Dyonisiaques, il ne l’ignore pas, donnaient lieu chaque année à des concours dramatiques, à la suite desquels l’archonte éponyme désignait, parmi les compétiteurs, ceux dont les ouvrages lui semblaient les plus dignes d’être portés sur la scène. Le lecteur du XIVe siècle, auquel s’adresse Oresme, devait d’autant mieux comprendre la chose qu’il existait à Paris, de son temps, des concours analogues. Ces « jeux la ou l’en fait dittés et rimes » étaient, selon toute évidence, des concours organisés par des groupements de lettrés et de clercs, des Puys comparables à ceux d’Arras, ou des Chambres de Rhétorique, comme celles qui couronneront plus tard, à Mons, tant d’auteurs de Mystères. Les pièces présentées comportaient sans doute des écrits narratifs en prose ou en vers et des poèmes par personnages ou Moralités dont la représentation suivait la proclamation des lauréats.

Ainsi nous paraît attestée par ces deux passages d’Oresme, perdus dans la masse énorme de ses gloses, non seulement la représentation de Mystères avant 1370, date de dix ans antérieure à la mention la plus récente connue jusqu’à présent, mais aussi l’existence de concours poétiques où les membres des confréries, basochiens ou autres, choisissaient les éléments de leurs spectacles.