Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/216

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grelots sur tes églises, tu restes morne et sourde, ô la fille puritaine du bilieux Calvin !

Genève ! te réjouis-tu lorsque la Suisse en fête hisse le drapeau fédéral sur une de ses villes aimées, et danse autour en lui tendant les bras ?

Cité solitaire ! tes commerçants sont les plus rusés des hommes. En ce jour, ils revêtent l’habit de fête et la figure d’allégresse ; ils deviennent affables et naïfs, comme les jeunes hommes de l’Allemagne 112 rêveuse. Leur voix se prête aux chants patriotiques, et leur regard est caressant. Pour eux la fête de la Confédération est une fête de négoce.

Genève ! bondis-tu d’orgueil quand l’univers répète le nom de Rousseau ?

Ville doctrinaire ! Il semble que tu aies peur des revenants, et que le pauvre Jean-Jacques soit condamné par toi à l’éternel exil ! Tu sais au monde mauvais gré d’avoir fait cet homme immortel.

Genève ! le vautour de Rome, Voltaire, écrivait à Ferney. Vas-tu rendre hommage à sa mémoire insultée ?

Ville sceptique ! tu te réjouis de sa célébrité. Car les pèlerins venus de lointains rivages s’attardent, à cause de lui, dans tes murs. Leur bourse est lourde, et tu les soulages charitablement d’une partie de leur charge.

Genève ! que fais-tu de tes fils ? Des commerçants qui courent le monde et rampent pour l’exploiter. Que fais-tu de tes filles ? Des institutrices qui subissent la domesticité partout où il y a de