Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/217

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l’or, dans l’Angleterre brumeuse et dans la Russie désolée.

Cité marâtre ! sois fière. Comme agioteurs et valets tes citoyens sont préférés aux autres. Mais n’enfante plus, malheureuse, puisque tes mamelles sont desséchées.

Oh ! la plus aristocratique et la plus pédante des villes qu’éleva jamais la main des hommes ! J’ai froid quand je marche par tes rues étroites, quand je vois tes maisons barricadées comme autant de forteresses. Qui pourrait parcourir sans tristesse, ton petit territoire confisqué par la plus avare des bourgeoisies ?

Tu es rapace au voyageur, inhospitalière à l’exilé, impénétrable à tous. Tu es plus dure que Londres, et tu n’en as pas la grandeur.

Tu as rempli le monde du bruit de ton savoir et de ton industrie ; tu l’as peuplé de tes hommes d’État hypocrites, de tes négociants juifs, tu l’as pillé comme un ennemi sans armes.

Et tu es restée seule, comme la mouette, entre le Léman et le mont Salève ; et tu n’as pas une alliée dans le monde ; et ceux qui t’entourent ne se hasardent pas dans tes murs.

Genève ! le soleil réfléchit tous ses rayons dans l’azur du lac et du Rhône qui baignent tes pieds ; tes grandes promenades sont vertes ; tu possèdes bibliothèques, temples, observatoire, hôpitaux, 113 académies, tout ce qui fait les capitales. Et par les nuits étoilées, on voit les grandes ombres de Saussure et de Candolle suivre les chemins sablés