Page:CPU - I, 031.jpg

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxii
ANALYSE DE LA CRITIQUE


représentent pas, comme les formes de la sensibilité, les conditions sous lesquelles les objets nous sont donnés dans l’intuition et qui justifient par là même leur valeur objective ; elles expriment des fonctions à priori de la pensée, et l’on ne voit pas ici, du même coup, comme dans l’antre cas, comment ces conditions subjectives de la pensée doivent avoir nécessairement une valeur objective, on se rapporter nécessairement à des objets dont l’intuition est indépendante d’eux. « Il se pourrait à la rigueur, dit Kant (p. 152), que les phénomènes fussent de telle nature que l’entendement ne les trouvât point du tout conformes aux conditions de son unité, et que tout fût dans une telle confusion que, par exemple dans la série des phénomènes, il n’y eût rien qui fournît une règle à la synthèse et correspondît au concept de la cause et de l’effet, si bien que ce concept serait tout à fait vide, nul et sans signification. Dans ce cas, les phénomènes n’en présenteraient pas moins des objets à notre intuition, puisque l’intuition n’a nullement besoin des fonctions de la pensée. » Dira-t-on que l’expérience nous offre des exemples de régularité dans les phénomènes qui nous fournissent suffisamment l’occasion d’en extraire le concept de cause (c’est l’exemple même cité par Kant), et de vérifier en même temps la valeur objective de ce concept, on ne lève pas ainsi la difficulté : l’expérience ne saurait expliquer l'universalité absolue que nous attribuons ici à la règle. Quel est donc le principe de cette explication ?

Ce n’est pas l’expérience, on vient de le rappeler, qui produit les concepts universels et nécessaires de l’entendement ; mais ne seraient-ce pas au contraire ces concepts qui rendent possible l’expérience ? S’il en est ainsi, nous tenons précisément le principe que nous cherchions : les concepts en question, en servant à rendre possible l’expérience, justifient par cela même leur valeur objective. On comprend dès lors comment toute connaissance empirique des objets doit être nécessairement conforme à ces concepts, puisque sans eux il n’y aurait pas d’objet d’expérience possible (v. p. 155). Or tel est le cas des concepts purs de l’entendement. La connaissance d’un objet ou l’expérience, dans le sens complet de ce mot, suppose en effet deux choses : l’intuition, par laquelle cet objet est donné, et le concept, par lequel il est pensé par l’entendement ; et, de même que la première n’est possible que sous les formes de la sensibilité, l’espace