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§ 12. — Tentative pour maintenir la théorie à l’aide d’une suspension imaginaire des grandes lois naturelles.

M. Mill admet aussi que les faits historiques donnent généralement un démenti à Ricardo, tout en se rangeant néanmoins à l’opinion que sa théorie de la rente est « la proposition la plus importante de l’économie politique. » Voici en quels termes il expose à ses lecteurs :

« Après une certaine période peu avancée dans le progrès de l’agriculture, aussitôt qu’en réalité l’espèce humaine s’est adonnée à la culture avec quelque énergie et y a appliqué des instruments

    pouvaient soutenir la concurrence avec les dernières, pas plus que les anciennes machines avec celles de nos jours. Néanmoins, le prix des subsistances tend à monter, mais cela par les raisons que nous avons données au chap. xxix, et non par celles que donne M. Ricardo.
      M. J.-S. Mill nie l’existence « d’aucune loi invariable, » mais il admet « que les terres qui demandent le plus de défrichement et d’assèchement sont rarement les premières mises en culture. » N’ayant pas produit de cas d’exception, il aurait peut être mieux fait d’admettre franchement qu’il n’y en a aucun. Laissons l’ordre de cultivation, quel qu’il puisse être ; la loi de prix, pense-t-il, reste la même, — ces terres qui, cultivées, donnent le moindre rendement en proportion du travail requis réglant toujours le prix du produit agricole, et toutes les autres terres, payant une rente simplement équivalente à l’excès du produit sur ce minimum. « Si vraiment, ajoute-t-il, M. Carey pouvait montrer que ce rendement de la terre au travail, l’habileté agricole et la science restant les mêmes, ne diminue pas, il renverserait alors un principe beaucoup plus important qu’aucune loi de rente ; mais, en ceci, il a complètement échoué. »
      Ici, comme toujours, dans les écrits de l’école de Ricardo, la difficulté essentielle consiste à détermina l’idée précise qu’expriment les mots employés. Autant que nous pouvons comprendre, on désire que nous puissions montra ce que serait l’état des choses si les pouvoirs de l’homme restaient stationnaires avec la population accrue, — mais un tel cas ne peut jamais se présenter, — les pouvoirs de l’homme, croissant toujours avec l’accroissement de population et avec sa conséquence qui est l’accroissement du pouvoir d’association. Avec un grand respect pour l’écrivain en question, nous dirons que le sujet réel de la science sociale est l’homme comme la nature l’a fait — c’est-à-dire l’homme avec capacité et tendance pour l’amélioration, — et non l’être, ayant forme humaine, mais brut sous tout autre rapport duquel il est traité dans les livres Ricardo-Malthusiens. Le passage cité ci-dessus est de la troisième édition de Mill, et nous n’en avons connaissance qu’au moment où ceci est sous presse. Nous y voyons aussi qu’on nous demande de montrer « que dans quelque vieille comparée les terres non cultivées sont celles qui payent le mieux la culture. » Dartmoor et Shap Fells se trouvent alors constatées « être les plus fertiles terres de l’Angleterre. » L’Économiste Suisse, de la même manière, trouvant que nous avons entendu le passage de l’homme des sols les plus pauvres aux plus riches, nous sommerait probablement de montrer que les pics des Alpes sont plus riches que les plaines de la Lombardie. La preuve la plus concluante de confiance dans notre propre exactitude, se trouvera dans l’exactitude avec laquelle nous exposons les arguments de nos contradicteurs. À notre avis, M. Mill a tout à fait manqué à fournir cette preuve.