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MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

teur qui vint tout en larmes, accompagné de sa famille, pour constater le dégât. Ce désespoir m’émut, et, bien que j’eusse ma part dans leurs malédictions, je les trouvai justes. Je m’en consolai pourtant en pensant que je n’étais qu’un chétif instrument entre les mains de Dieu.

Après ce premier mouvement de révolte, le père de famille leva les yeux au ciel, se recueillit un instant et dit à ses enfants de ne plus murmurer, et de se soumettre humblement aux décrets de la Providence : que sans doute la grêle était chose nécessaire et bien ordonnée, puisqu’il y en avait tous les ans, et que celle qui venait de détruire leur récolte aurait pu tomber sur les blés de gens plus malheureux qu’eux encore. Ils prièrent tous ensemble en face de leur champ dévasté, et s’en retournèrent plus calmes, combinant déjà les moyens d’atténuer cette grande perte par leur travail. Un des petits enfants prit, en passant, le grêlon dont je faisais partie, et qui était vraiment d’une grosseur extraordinaire. Il le montra à ses voisins accourus pour compatir aux malheurs de celui dont le champ venait d’être grêlé ; tous voulurent voir et toucher le grêlon, qu’on laissa ensuite sur l’appui extérieur d’une fenêtre. La chaleur augmentant vers la fin de la journée fondit le grêlon, et je repris mon essor vers un gros nuage coloré des derniers rayons du couchant.