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Je vois qu’elle ferme d’abord la porte au verou, je ne savois que penser. Je veux, me dit elle, que vous m’habilliez completement en abbé avec un de vos habits, et je vous habillerai en femme avec ma robe. Nous descendrons deguisés ainsi, et nous danserons les contredanses. Allons vite, mon cher ami, commençons par nous coiffer.

Sûr d’une bonne fortune, et charmé de la rare aventure je lui arrange vite ses longs cheveux en rond, et après je laisse qu’elle me fasse un chignon qu’elle met tres bien sous son propre bonnet. Elle me met du rouge, et des mouches, je m’en complais, je lui laisse voir en honnête garçon mon contentement, et elle m’accorde de bonne grace un doux baiser sous condition que je ne pretendrois pas d’avantage : je lui répons que tout ne pouvoit dependre que d’elle. Je l’avertis en attendant que je l’adorois.

Je mets sur le lit une chemise, un petit collet, des calçons, des bas noirs, et un habit complet. En devoir d’et de laisser tomber ses jupes, elle se passe adroitement des calçons, et elle dit qu’ils vont bien, mais quand elle veut se passer mes culottes elle les trouve trop etroites à la ceinture, et dans le haut des cuisses. Il n’y a pas de remede, il faut decoudre par derriere, et s’il le faut couper l’etoffe. Je me charge de tout cela ; je m’assis sur le pied du lit, et elle se met devant moi me tournant le dos.