serve de garde couchant dans ma chambre. C’étoit un homme
qu’un seul verre d’eau de vie suffisoit à le souler, et à
le faire dormir comme un loir. D’abord que je l’ai vu endormi,
j’ai renvoyé le chirurgien, et l’aumonier qui habitoit
dans une chambre au dessus de la mienne. C’étoit une
heure et demie avant minuit quand je me suis descendu
dans le bateau.
À peine arrivé à Venise j’ai depensé un sou dans un bon baton, et je suis allé m’asseoir sur le seuil de l’avant derniere porte de la rue du coté de la place S. Paul. Un petit canal étroit qui étoit à l’entrée de la rue me parut fait exprès pour y jeter dedans mon ennemi. Ce canal n’est plus visible aujourd’hui. On l’a comblé quelques années après.
Un quart d’heure avant minuit je l’ai vu venir à pas lents, et posés. Je sors de la rue à pas rapides me tenant à coté du mur pour l’obliger à me faire place ; et je lui lance le premier coup à la tete, le second au bras, et le troisieme plus allongé le force à tomber dans le canal criant fort, et me nommant. Dans le même moment un furlan tenant une lanterne à la main sort d’une maison à ma main gauche ; je lui donne un coup sur la main de la lanterne, il la laisse là, il se sauve dans la rue, et après avoir jeté mon baton, je traverse la place comme un oiseau, et je passe le pont tandis que le monde courroit au coin de la place où le fait étoit arrivé. J’ai passé le canal à S.t Thomas, et en peu de minutes je me suis mis dans mon