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bateau. Le vent étoit tres fort, mais m’étant en faveur j’ai mis la voile, et j’ai pris le large. Minuit sonnoit dans le moment que j’entrois dans ma chambre par la fenetre. Je me deshabille dans un instant, et à cris perçans je reveille mon soldat, et je lui ordonne d’aller chez le chirurgien me sentant mourir d’une colique.

L’aumonier reveillé par mes cris descend, et me trouve en convulsion. Sûr que le Diascorde me gueriroit, il va en chercher, et il me l’apporte ; mais au lieu de le prendre je le cache pendant qu’il alloit chercher de l’eau. Après une demie heure de grimaces, je dis que je me porte bien, et je remercie tout le monde qui partit me souhaitant un bon someil. Après avoir tres bien dormi, je suis resté au lit à cause de ma pretendue entorce.

Le major avant de partir pour Venise vint me voir, et me dire que la colique que j’avois eu venoit d’un melon que j’avois mangé.

Une heure après midi j’ai revu le meme major. J’ai une grande nouvelle à vous donner, me dit il d’un air riant. Razzetta fut batonné, la nuit passée, et jeté dans un canal. — On ne l’a pas assommé ? — Non ; mais tant mieux pour vous, car votre affaire seroit beaucoup plus mauvaise ; on est sûr que c’est vous qui avez commis ce crime — Je suis bien aise qu’on le croye, car cela me venge en partie ; mais il sera difficile qu’on le prouve — Vous avez raison. Razzetta en attendant dit qu’il vous a reconnu, et le furlan Patissi aussi, au quel vous avez fracassé la main où il tenoit sa lanterne. Razzetta n’a que le nez cassé, trois dents de moins, et des contusions au bras droit. On vous a denoncé à l’avogador. D’abord que M. Grimani sut le fait, il écrivit au Sage se plaignant qu’il vous ait mis