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iii
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mais il s’en dédommagea en quelque sorte en l’aimant avec une extrême tendresse. Dans les plus fortes agitations de sa jeunesse, quoiqu’il sût de très-bonne heure le secret de sa naissance, il ne s’écarta jamais du respect & de l’amour d’un fils ; il songea toujours aux besoins de sa mère avant de s’occuper des siens ; & dans les situations les plus embarrassantes, il se priva souvent du nécessaire, pour qu’elle n’en manquât pas.

Il fut admis fort jeune, sous le nom de Nicolas, au collège des Grassins en qualité de Boursier. Ses premières années n’y eurent rien de remarquable : ce ne fut qu’en Troisième qu’il commença de se distinguer. En Rhétorique il eut pour professeur M. Le Beau, le jeune, moins célèbre que son frère, mais qui peut-être n’a pas rendu moins de services à l’enseignement de la jeunesse. Les prix de l’Université étaient alors une grande affaire : c’était, dans chacun des collèges, à qui des élèves remporterait le plus de ces prix ; & la même émulation existait entre les collègues. Il y avait cinq premiers prix & cinq seconds pour la classe de Rhétorique. Nicolas en remporta quatre premiers : il ne manqua que celui de vers Latins. Ses maîtres voulaient qu’il les eût tous : son état de Boursier le mettait dans leur dépendance : on le força de doubler sa Rhétorique : & on lui fit entendre qu’il fallait ou renoncer à la Bourse qui était son seul bien, ou obtenir cette fois les cinq premiers prix. Il les obtint ; & déjà doué d’un goût délicat, & d’un esprit supérieur, il disait à ses amis : « Je manquai le prix l’an passé