Page:Chamfort - Maximes, Pensées, Caractères et Anecdotes, 1796, éd. Ginguené.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xxix
sur Chamfort.

c’était d’opinions & de sentimens républicains que son cœur & son esprit étaient remplis. Dès le mois de Juillet, il faisait prier l’entrepreneur du Mercure, de rendre ce journal un peu plus républicain ; car, ajoutait-il, il n’y a plus que cela qui prenne[1].

Il fut bientôt lui-même à portée de lui imprimer ce caractère de liberté, du moins dans la partie littéraire ; car la partie politique était incurable. Cette révolution qu’il aimait tant, le ruinait. Par les soins & le crédit de ses amis, sa petite fortune s’était élevée à huit ou neuf mille livres de rentes. La plus grande partie était en pensions, & les pensions furent supprimées en 1790. Le lendemain du jour où le décret fut porté, il alla avec Rœderer, voir à la campagne son confrère Marmontel. Ils le trouvèrent, ainsi que sa femme, gémissant pour leurs enfans, de la perte que le décret leur faisait éprouver : Chamfort prit un des enfans sur ses genoux : « Viens, dit-il, mon petit ami, tu vaudras mieux que nous : quelque jour tu pleureras sur ton père, en apprenant qu’il eut la faiblesse de pleurer sur toi, dans l’idée que tu serais moins riche que lui[2]. » Le matin du même jour, il écrivait à Madame Panckoucke[3] : « J’entends crier à mes oreilles tandis que

  1. Journal de Paris, an 3 de la République, No. 178.
  2. Ibidem.
  3. Il était attaché à cette femme aimable par une amitié déjà très-ancienne : c’est chez elle, à Boulogne, qu’il avait