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sur Chamfort.

Quoique l’état habituel de sa santé lui rendit presque nécessaires les services d’un domestique, il lui fallut s’en priver ; & il reprit une bonne gouvernante qui l’avait servi autrefois : il est vrai qu’il trouva dans deux êtres sensibles qui habitaient cette maison, des consolations & des soins que ses maux physiques & les accès de mélancholie qui les accompagnaient presque toujours, lui firent trouver fort doux : il les paya par la confiance & les sentimens d’une amitié véritable, & par cet abandon de l’intimité dans lequel peu d’hommes peut-être ont su répandre autant de charme que lui.

Le club de 89 existait toujours, & quoique l’esprit en fût devenu détestable, comme on continuait d’y jouer aux échecs, Chamfort continuait aussi d’en être. Quelques membres de ce club qui ne pouvaient plus supporter le ton que l’Aristocratie y avait pris, formèrent une autre société moins nombreuse, mais composée de patriotes énergiques, sur lesquels la liberté pouvait compter dans la lutte décisive qu’elle se préparait à soutenir. Ils se nommèrent d’abord émigrés de 89 ; & Chamfort ne manqua pas d’émigrer avec eux. Dans cette société nouvelle, les sentimens étaient unanimes, les conversations franches, les espérances communes ; du moins tout fut ainsi jusqu’après le 10 Août[1]. Alors dans le parti républicain se forma la faction anarchique, qui s’étant érigée en pouvoir lors de la chute du trône, signala son avènement par un forfait horrible, présage & dignes prémices de tant d’autres forfaits. Un hypo-

  1. Le 10 août 1792, les insurgés de la Commune de Paris prennent le palais des Tuileries, et le roi Louis XVI est déposé par l’Assemblée législative. Commence alors la première Terreur, qui culminera avec les Massacres de Septembre. (Note wiki)