Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/207

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vous ne l’avez cru, et dont ma reconnaissance ne finira qu’avec ma vie. J’ai l’honneur d’être, etc.

Édouard ***.



VINGT-CINQUIÈME LETTRE


Celle qui vous aimait tant est morte avant-hier au soir. Cette manière de la désigner n’est pas un reproche que je lui fais : il y avait longtemps que je lui avais pardonné, et dans le fond elle ne m’avait pas offensé. Il est vrai qu’elle ne m’avait pas ouvert son cœur ; je ne sais si elle l’aurait dû, et, quand elle me l’aurait ouvert, il n’est pas bien sûr que je ne l’eusse pas épousée, car je l’aimais passionnément. C’est la plus aimable, et je puis ajouter qu’à mes yeux, et pour mon cœur, c’est la seule aimable femme que j’aie connue. Si elle ne m’a pas averti, elle ne m’a pas non plus trompé ; mais je me suis trompé moi-même. Vous ne l’aviez pas épousée ; était-il croyable que, vous aimant, elle n’eût pas su ou voulu vous déterminer à l’épouser ? Vous savez sans doute combien je fus cruellement désabusé ; et quoiqu’à présent je me repente d’avoir témoigné tant de ressentiment et de chagrin, je ne puis même encore aujourd’hui m’étonner de ce que, perdant à la fois la persuasion d’en être aimé et l’espérance d’avoir un enfant dont elle aurait été la mère, j’aie manqué de modération. Heureusement, il est bien sûr que ce n’est pas cela qui l’a tuée. Ce n’est certainement pas moi qui suis cause de sa mort, et, quoique j’aie été jaloux de vous, j’aime encore mieux à présent être à ma place qu’à la vôtre. Rien ne prouve cependant que vous ayez des reproches à vous faire, et je vous prie de ne pas prendre mes paroles dans ce sens-là. Vous me