Page:Chasseriau - Précis de l’abolition de l’esclavage dans les colonies anglaises (2).djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rendre grâce à la puissance de résignation par laquelle la race noire se distingue de toutes les autres races humaines.

Lord John Russell. Lord John Russell, alors secrétaire d’État de l’Intérieur, prit la parole. Qui donc eut pu se flatter de voir une mesure telle que celle de l’abolition de l’esclavage s’accomplir d’une manière entièrement satisfaisante ? Dans les affaires humaines, toujours le mal se mêle au bien. Comment pouvait-on comparer les abus reproches à l’apprentissage à immense avantage qu’avait ce système transitoire de préparer les noirs à suffire par eux-mêmes à leur entretien, et de ménager la production en garantissant le travail ? La suppression anticipée de l’apprentissage exposerait les noirs libérés à tous les maux de la misère. De plus ce serait une violation de la foi publique ; violation qui compromettrait sa responsabilité, alors même qu’un dédommagement serait stipulé en faveur des planteurs lèses. A la différence de la première indemnité, allouée dans une vue d’équité et de concorde, la nouvelle indemnité ne serait qu’une sorte de prime dont l’effet aggraverait la situation des colonies. Déjà cette situation était rendue critique par l’excitation des esprits. Le ministre adjurait donc l’assemblée, sans s’arrêter aux clameurs de l’opinion soulevée, de s’en tenir au bill présente par le gouvernement, en rejetant une motion également inique et dangereuse.

M. W. E. Gladstone. L’opinion longuement motivée de M. W. E. Gladstone occupa tout le reste de la séance. Intéresse dans la question coloniale, mais partisan sincère de l’abolition de l’esclavage, il se réjouissait de pouvoir enfin élever la voix pour venger l’honneur des colons des plus calomnieuses imputations. Mais ce n’était pas avec l’accent d’une légitime indignation