Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/302

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CCCXXI.


Durant l’aspre saison des froidureus hyvers
Il semble aus regardans que les arbres ternissent
Et toutefois les troncs en terre se nourrissent,
D’ou sortent au Prim-tems tant de fleurons divers

C’est alors que les chams & que les prez sont vers
Mais au chaud de l'Esté ils seichent & fanissent
Au contraire les reims des arbres reverdissent,
Et se treuvent de fleurs & de feuilles couvers

La vie est un hyver fragile & transitoire ;
Ou le mondain se plait de verdoyer en gloire
Entassant mal sur mal, péché dessus péché

Mais quant l’Esté joyeus de la vie seconde
Retirera nos cors de la fosse profonde,
Il cherra devant Dieu tout fletris et seiché.


CCCXXII.


Tout estoit corrompu devant le Souverain,
Lors que pour chastier des pecheurs l'insolence
Il envoya ca bas les eaus de sa vengeance
Purgeant le monde infet de tant de fait vilain :

Si les eaus du deluge entrent dedans ton sein
En toy mourra la haine & la concupiscence,
Ton ceur mort en peché prendra nouvelle essence
Et n'aguere obscurcy deviendra plus serain

Heureus le ceur devot qui fondant tout en larmes
Se repend de ses maus, du Seigneur des allarmes
En sa necessité il sera consolé

Peu sert se recreer au son de la Musique
Et consumer le temps en plaisir impudique
Si l'on est à l'instant de l'Enfer avallé.