Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/493

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" Toute l’étendue de Jérusalem est environnée de hautes montagnes ; mais c’est sur celle de Sion que doivent être les sépulcres de la famille de David, dont on ignore le lieu. En effet, il y a quinze ans qu’un des murs du Temple, que j’ai dit être sur la montagne de Sion, croula. Là-dessus, le patriarche donna ordre à un prêtre de le réparer des pierres qui se trouvaient dans le fondement des murailles de l’ancienne Sion. Pour cet effet, celui-ci fit marché avec environ vingt ouvriers, entre lesquels il se trouva deux hommes amis et de bonne intelligence. L’un d’eux mena un jour l’autre dans sa maison pour lui donner à déjeuner. Etant revenus après avoir mangé ensemble, l’inspecteur de l’ouvrage leur demanda la raison pourquoi ils étaient venus si tard, auquel ils répondirent qu’ils compenseraient cette heure de travail par une autre. Pendant donc que le reste des ouvriers furent à dîner, et que ceux-ci faisaient le travail qu’ils avaient promis, ils levèrent une pierre qui bouchait l’ouverture d’un antre, et se dirent l’un à l’autre : Voyons s’il n’y a pas là-dessous quelque trésor caché. Après y être entrés, ils avancèrent jusqu’à un palais soutenu par des colonnes de martre, et couvert de feuilles d’or et d’argent. Au-devant il y avait une table avec un sceptre et une couronne dessus : c’était là le sépulcre de David, roi d’Israël ; celui de Salomon, avec les mêmes ornements, était à la gauche, aussi bien que plusieurs autres rois de Juda et de la famille de David, qui avaient été enterrés en ce lieu. Il s’y trouva aussi des coffres fermés, mais on ignore encore ce qu’ils contenaient. Les deux ouvriers ayant voulu pénétrer dans le palais, il s’éleva un tourbillon de vent qui, entrant par l’ouverture de l’antre, les renversa par terre, où ils demeurèrent, comme s’ils eussent été morts, jusqu’au soir. Un autre souffle de vent les réveilla, et ils entendirent une vois semblable à celle d’un homme, qui leur dit : Levez-vous, et sortez de ce lieu. La frayeur dont ils étaient saisis les fit retirer en diligence, et ils rapportèrent tout ce qui leur était arrivé au patriarche, qui le leur fit répéter en présence d’Abraham de Constantinople, le Pharisien, et surnommé le Pieux, qui demeurait alors à Jérusalem. Il l’avait envoyé chercher pour lui demander quel était son sentiment là-dessus ; à quoi il répondit que c’était le lieu de la sépulture de la maison de David, destiné pour les rois de Juda. Le lendemain, on trouva ces deux hommes couchés dans leurs lits, et fort malades de la peur qu’ils avaient eue. Ils refusèrent de retourner dans le même lieu, à quel prix que ce fût, assurant qu’il n’était pas permis à aucun mortel de pénétrer dans un lieu dont Dieu défendait l’entrée ; de sorte qu’elle a été bouchée par le commandement du patriarche, et la vue en a été ainsi cachée jusque aujourd’hui. "

Cette histoire paraît être renouvelée de celle que raconte Josèphe au sujet du même tombeau. Hérode le Grand ayant voulu faire ouvrir le cercueil de David, il en sortit une flamme qui l’empêcha de poursuivre son dessein. (N.d.A.)