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ÉTIENNE DOLET

d’assertions contradictoires, de placer les faits en observant les lois de la perspective et suivant leur importance relative ; il ne se contente pas d’établir les faits eux-mêmes, il remonte à leurs causes, il fait voir leurs rapports et leurs conséquences, et il est capable de tirer des conclusions justes des faits qu’il a réunis. Si nous admettons qu’il avait un but déterminé en écrivant et que généralement il ne fut guère impartial quand il s’agissait des intérêts de Louis XI, nous ne faisons que lui reprocher des fautes qui sont le partage des plus éminents historiens du dix-neuvième siècle. Mais ses successeurs immédiats lui furent aussi inférieurs que l’avaient été ses prédécesseurs. A partir de 1498, époque à laquelle ses mémoires se terminent, jusqu’en 1546, époque à laquelle de Thou commence l’histoire de son temps, la France doit se contenter de chroniqueurs et d’annalistes. Paul Emile, Beaucaire de Péguillon et Arnoul Le Ferron, quelque nombreux que soient leur mérites, quelque grande que soit la valeur historique de leurs ouvrages, sont aussi inférieurs à Comines sur tous les points qui distinguent un historien d’un chroniqueur, qu’ils sont inférieurs à ses prédécesseurs, Froissart et Monstrelet, au point de vue du pittoresque, du style et de l’intérêt de la narration ; d’un autre côté, quoique les deux du Bellay dépassent de beaucoup et comme style et comme fond leurs contemporains qui écrivaient en latin, ils se bornent presque entièrement à relater les événements auxquels chacun d’eux a pris part. Que Dolet n’eut pas été inférieur à Paul Emile ou à Arnoul Le Ferron, le fragment que nous avons de son histoire de François Ier nous le montre clairement ; et la haute conception qu’il s’était faite de la tâche et des devoirs de l’historien, des études, des travaux et des préparations nécessaires pour écrire l’histoire, la critique judicieuse qu’il fit de la méthode historique préconisée alors, tout nous porte à croire que si la mort et les persécutions le lui avaient permis, il nous aurait laissé une narration du règne de François Ier qui aurait placé Dolet au moins au premier rang de ceux qui en France écri-