Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ce n’est pas un masque.

— Nous allons voir. »

La chance favorisait Fierce. Il gagnait un coup sur deux, et le tas de pièces et de billets amoncelés devant lui devenait impertinent.

— « Je crois, dit encore Malais à Torral, que vous avez particulièrement étudié les lois et les phénomènes du hasard. Comment expliquez-vous ce fait constaté des joueurs que la veine procède par séries, et non par intermittences ? »

Le financier aimait à questionner les spécialistes. Mais Torral, brutal comme toujours, haussa les épaules :

— « Je vous l’expliquerais vainement, dit-il : vous ne comprendriez pas.

— Merci, dit Malais sans se fâcher, dites quand même.

— Soit. Écoutez donc : l’ensemble de toutes les parties jouées depuis le commencement du monde forme un tout, n’est-ce pas, un tout fini et déterminé ? Eh bien, soit n le nombre de ces parties…

n ?

— Je vous ai dit que vous ne comprendriez pas… chacune de ces n parties pouvait être gagnée ou perdue ; et l’ensemble comportait par conséquent un nombre de solutions égal à 2n.

— Ah ?…

— Une seule de ces 2n solutions s’est réalisée, — naturellement. Or, il s’est trouvé que cette unique