Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/67

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forme, et consent ensuite, indulgente, à ce qu’ils désirent. Fierce se couche un peu troublé, se relève un peu déçu, et, gêné de sa contenance sous les yeux moqueurs de la demoiselle, prend finalement le bon parti d’éclater de rire. C’est fait.

Dix-huit ans. Fierce a choisi d’être marin comme de ses amis choisissent d’être cavaliers ou diplomates. L’École Navale lui est un refuge inattendu, mais précieux et urgent contre les dangers de sa propre nature, laquelle est exigeante et n’admet aucune sorte de règlement. Fierce vient de passer à Paris trois années brillantes et fatigantes ; brillantes, par le nombre et la qualité des intrigues qu’il a nouées ; fatigantes, parce que ces intrigues monotones l’ont aiguillé vers d’autres divertissements plus variés et moins anodins. Il se trouve donc en temps opportun sévèrement cloîtré au fond de la Bretagne, sur un rude vaisseau, revêche et froid, loin des jupes professionnelles ou mondaines qui l’ont trop bien accueilli les hivers derniers, — loin des câlineries énervantes de telle petite cousine qu’il déniaisait aux vacances dans son château angevin, — loin des arrière-boutiques pour sénateurs et des bars anglais pour diplomates étrangers, où souvent l’a conduit son désir têtu de toutes choses neuves et interdites. — M. de Fierce est officier de marine, ce qui lui sert de préservatif momentané contre diverses maladies fâcheuses, parmi lesquelles figurent honorablement le gâtisme et l’ataxie.

Et maintenant, Fierce court le monde.