Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/75

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importe l’heure exacte du dîner. Et j’aurai la plus grande de mes joies, et la moins méritée, si je pouvais mourir comme sont morts Brueys, Nelson et Ruyter… »

Respectueux et mélancolique, Fierce compta mentalement jusqu’à vingt et un, puis ramena la question première :

— « Alors, les ordres d’aujourd’hui, amiral ? »

M. d’Orvilliers les donna. Il fallait un landau pour trois heures. Fierce fit observer que le soleil serait chaud. Mais l’amiral affirma que le soleil ne l’empêcherait pas d’aller s’entretenir avec le gouverneur d’abord, puis se concerter avec le conseil de défense et les commandants de la marine et des troupes. Enfin, des dépêches étaient attendues nombreuses, et l’aide de camp les déchiffrerait lui-même avant de quitter le bord, si le cœur lui disait d’une promenade avant midi.

— « Bien, » dit Fierce.

Dans sa chambre, un premier télégramme l’attendait, — le bulletin météorologique de Shangaï. Il rit.

— « Voilà probablement les symptômes belliqueux qui nous inquiètent : côte de Formose, mer agitée ; typhon sur Manille. — Fichtre ! il va bien, mon brave d’Orvilliers : la guerre anglaise, rien de plus… »

Il regarda ses bibelots, ses reliures, sa Vénus de Syracuse dont le marbre ambré luisait dans un angle.

… « Un obus là-dedans, hein ? Ça meublerait ! »

Il n’y pensa plus et prit un livre.

… « Si les dépêches arrivent assez tôt, j’irai voir