Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
au soir de la pensée

revu et corrigé. Aussitôt que coordonnées, nos connaissances nous fournissent des directions de phénomènes propres aux généralisations de positivité. Jusque-là, l’homme devra généraliser à la fortune des imaginations, avant de s’en pouvoir tenir à l’expérience des faits. Ainsi s’opposeront deux états de mentalité contraires qui feront le tourment et la beauté de notre vie.

De regarder à voir, il y a plus loin qu’on ne pense. D’un regard sans prunelle, l’énigmatique voûte bleue nous harcèle d’un tumulte de lumières qui nous aveuglent avant de nous éclairer. Interrogations de l’élément infime que sa sensibilité personnelle va tirer hors de pair pour des sublimations de conscience à l’adresse de l’inconsciente immensité. En attendant que nous puissions nous élever jusqu’aux premières compositions de connaissances, notre loi est d’un tâtonnement d’ignorances rompues par des recoupements qui mettront en lumière des parties d’interprétation justifiée. En ce sens le méconnaître n’est qu’une phase préparatoire du connaître dans le clair-obscur, de nos relativités. Encore ; un suprême achèvement de l’intelligence devrait-il toujours réserver une pointe de doute — complément nécessaire d’un état de connaissance qui ne sera jamais achevé.

Dans l’espace infini, l’infini tourbillon des mondes, au sein duquel nous nous trouvons jetés, nous avertit d’abord que des nuages d’obscurité. arrêtent les fragiles antennes de nos investigations les plus vivement poussées. En des points toujours plus profonds de l’immensité, notre enquête se heurte, moins à l’obstacle des éléments, qu’à l’insuffisance de nos moyens de pénétration. Nous évoluons, sans doute, et, avec notre évolution, notre puissance de connaître ne cesse de s’accroître. Notre développement n’en demeure pas moins de relativité, et c’est avec l’infini, sans butoir concevable, que nous devons nous mesurer.

En quelque point que ce puisse être, notre connu, notre inconnu ne cesseront de s’affronter. La somme du connu pourra toujours s’étendre sans que le bloc infini d’inconnu puisse jamais s’épuiser. Les pionniers d’absolu pourront s’en plaindre. Ce n’en sera pas moins un assez bel emploi de notre vie de chercher à connaître ce qui s’offre à notre mètre d’entendement. Et même, puisque l’univers est sans limites concevables — nos lois de