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au soir de la pensée

non content de grimper, il s’élance encore de branche en branche jusqu’aux développements du parachute cutané qui le fera planer comme un oiseau. On ne peut pas dire que l’écureuil soit un bipède, mais le redressement vertébral que l’habitude des branches lui impose, et la prédominance du train postérieur qui en est le résultat, lui assurent une commodité de station assise, qui le maintient tout droit du bassin à la tête, pour dépecer ses graines.

Nous arrivons ainsi au singe arboricole, dont les espèces nombreuses nous offriront toutes les variations évolutives des séries du redressement amorcé et poursuivi par l’« habitude » lamarckienne de la course et des sauts dans les branchages.

Je ne saurais m’étendre ici sur la paléontologie des quadrumanes. Je me propose simplement de constater que c’est à la vie arboricole que l’anthropoïde doit d’avoir conduit son redressement au point où l’homme a pu l’achever. La préhension manuelle, voulue par les branchages, a décidé du perfectionnement de l’organe, auquel, pour surcroît de fixité, certains quadrumanes ajoutent le secours d’une queue prenante, évolution supplémentaire à ne pas négliger. Au contraire, l’évolution de la main prenante qui, par son agilité et la délicatesse des activités qui s’ensuivent, fera de l’homme, avec le développement des lobes cérébraux, l’être que M. Henri Beer propose d’appeler Homo faber, c’est-à-dire l’homme ouvrier, au lieu d’homo sapiens — titre fastueux, souvent mal justifié. Dans sa préface de l’Humanité préhistorique de M. de Morgan, Henri Beer ne craint pas d’écrire : « Le sujet du présent volume, c’est la main et les prolongements de la main. » Ce que je traduis en cette formule : le redressement de l’anthropoïde a produit la libération de la main, et conduit l’humain évolué à l’outil industriel, incessamment perfectionné dont il a besoin pour les accommodations, toujours plus exigeantes, de sa vie.

Sur les évolutions des membres antérieurs du Simien, dans les directions de la préhension manuelle, nous n’avons que de vagues lumières[1]. Des formations de mains se rencontrent

  1. Certaines espèces de marsupiaux et de rongeurs d’habitudes grimpeuses sont porteurs d’une main avec pouce opposant. Leur redressement est tel que celui des ours : ils adoptent volontiers la station assise. C’est le cas