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notre planète

décrivons, nous les analysons, comme nous ferions des globules du sang, qui sont à l’organisme quelque chose comme les corps célestes au Cosmos. L’embarras est de l’identité du substratum et de l’énergie dont l’expression disjoint les données positives, tandis que la compréhension commande la synthèse. La métaphysique se tire d’affaire au moyen d’un tour de personnalisation qu’achève la théologie par ses attributs de Divinité. La difficulté n’est pas beaucoup moins grande de nous enfermer dans notre système solaire, quand l’universelle cohérence nous veut des répercussions d’infini. Cela ne nous a pas empêchés de colliger la masse merveilleuse de nos connaissances positives, en dehors d’une conquête d’absolu qui se résout en une virtuosité de mots sans correspondance d’objectivités.

Les descriptions des états géologiques qui se succèdent, avec leur faune et leur flore, dans l’histoire du globe terrestre, nous obligent à des échelonnements de tableaux alignés en séries, dont le classement (subjectif) ne répond pas aux données objectives des choses où se brassent simultanément, de toute éternité, les éléments cosmiques sans aucun temps d’arrêt. Ainsi nous manque trop aisément la sensation de l’universelle coïncidence des activités qui convergent ou divergent, se croisent en tous sens, se réfléchissent ou se pénètrent, toutes d’un même élan.

Les roches, les sédiments, la faune, la flore sont des existences corrélatives dont les évolutions s’enchaînent si étroitement que des représentations du tertiaire ou du quaternaire, par exemple, ne se peuvent obtenir hors des figurations des âges précédents. La forêt carbonifère, si nettement caractérisée, laissera pendant longtemps des traces dans les végétaux des âges qui vont suivre. N’en subsiste-t-il pas encore, bien que défigurées, dans notre flore d’aujourd’hui ? Les fameux monstres des époques qu’ils caractérisent se sont promenés plus ou moins longtemps parmi les premières manifestations des âges nouveaux dont les nouvelles conditions climatériques et autres ont amené leur disparition. Ne voyons-nous pas encore circuler des éléphants, des girafes, des rhinocéros, des hippopotames, et même combien d’hommes mal dégrossis du passé. Au lieu de nous acharner, par l’analyse, à ne voir le monde que cloisonné en des compartiments de notre fabrication, c’est-à-dire comme il n’est pas, pourquoi ne pas