Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/138

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moins l’opinion du temps regardait comme telles ; mais ne s’engageant jamais dans aucune qui aurait pu appeler le blâme sur sa conduite, ou le faire rougir lui-même. Il n’était pas possible de vivre long-temps avec cet être, qui, à sa manière, pouvait passer pour une espèce de type de ce qu’était Adam avant sa chute, sans éprouver pour lui un respect et une admiration qui l’élevaient au-dessus de sa situation dans le monde. On remarquait qu’aucun officier ne passait jamais près de lui sans le saluer, comme s’il eût été son égal, et que ses inférieurs lui adressaient la parole avec autant de confiance et de liberté que s’il eût été leur camarade. Sa singularité la plus surprenante était l’indifférence complète avec laquelle il regardait toutes les distinctions qui ne dépendaient pas du mérite personnel. Il respectait ses supérieurs par habitude ; mais on l’avait vu plus d’une fois corriger leurs méprises et blâmer leurs vices avec une intrépidité qui prouvait quelle importance il attachait aux points les plus essentiels, et combien un jugement naturel est au-dessus de celui qui n’est dû qu’à l’éducation. En un mot, celui qui aurait cru que l’homme n’est pas capable de distinguer entre le bien et le mal, sans l’aide de l’instruction, aurait été ébranlé dans sa croyance par le caractère extraordinaire de cet habitant de la frontière. Ses sentiments semblaient avoir la fraîcheur de la forêt dans laquelle il passait une si grande partie de son temps ; et nul casuiste n’aurait pu prononcer plus équitablement dans tout ce qui avait rapport au juste et à l’injuste. Il n’était pourtant pas sans préjugés, quoiqu’ils fussent en petit nombre, et qu’ils prissent le coloris du caractère et des habitudes de l’individu, et ils étaient si profondément enracinés, qu’ils formaient en lui une sorte de seconde nature. Mais le trait le plus frappant de l’organisation morale de Pathfinder était un sentiment intime de justice qui ne le trompait jamais. Ce noble trait, sans lequel nul homme ne peut être véritablement grand, et avec lequel tout homme est respectable, avait probablement une influence secrète sur tous ceux qui fréquentaient souvent sa compagnie ; car on avait vu des soldats, du nombre des plus mauvais sujets de la garnison, et n’ayant aucun principe, à leur retour d’une expédition avec lui, parler un langage moins grossier, montrer des sentiments plus analogues aux siens, et prouver qu’ils avaient profité de son exemple. Comme on pouvait l’attendre, avec une qualité si élevée, sa fidélité était un roc inébranlable, et la trahi-