Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/269

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on en appela au sergent, et son avis ayant été favorable, on se disposa à mettre ce projet à exécution.

Le sergent Dunham, sa fille et Pathfinder s’embarquèrent donc dans la pirogue. Accoutumée à ce genre de nacelle, Mabel s’assit au centre sans aucune crainte ; le sergent prit sa place sur l’avant, et le guide resta debout sur l’arrière pour remplir les fonctions de pilote. Il était presque inutile d’employer la rame pour accélérer le mouvement de la pirogue, car les vagues, encore fortes, la poussaient en avant avec une violence qui permettait à peine de la diriger. Mabel se repentit plus d’une fois de sa témérité avant d’atteindre le rivage, mais Pathfinder l’encourageait en montrant tant de sang-froid et de confiance, qu’une femme même aurait hésité à avouer son inquiétude. Notre héroïne n’était pas poltronne, et quoiqu’elle sentît la nouveauté de sa situation en traversant un ressac, elle y trouvait aussi un nouveau plaisir. Elle souriait en voyant son léger esquif s’élancer rapidement porté sur la crête d’une vague, et diminuer de vitesse quand elle se retirait, comme s’il eût été honteux d’avoir été vaincu à la course. Quelques minutes se passèrent ainsi ; car, quoique le cutter fût à plus d’un quart de mille de la terre, il ne lui fallut pas plus long-temps pour franchir cet espace.

Dès que le sergent fut débarqué, il embrassa cordialement sa fille, car il était assez soldat pour se trouver toujours plus à son aise sur la terre ferme que sur l’eau. Comme il avait son fusil, il annonça ensuite à sa fille qu’il allait passer une heure à chasser dans le bois.

— Pathfinder restera avec vous, — ajouta-t-il, — et je ne doute pas qu’il ne vous raconte quelques-unes des traditions de cette partie du monde, et de ses aventures avec les Mingos.

Le guide sourit, promit d’avoir grand soin de Mabel, et en quelques minutes le père gravit une hauteur et disparut dans la forêt. Pathfinder et notre héroïne prirent une autre direction, et montant sur un promontoire escarpé, ils arrivèrent sur une pointe d’où la vue s’étendait sur un vaste panorama. Mabel s’y assit sur un fragment de rocher, tandis que son compagnon, sur les nerfs duquel nulle fatigue ne semblait faire impression, se tenait debout auprès d’elle, appuyé, comme de coutume, et non sans quelque grâce, sur sa longue carabine. Plusieurs minutes se passèrent en silence, Mabel ne songeant qu’à admirer le tableau qui s’offrait à ses yeux.