Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/128

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s’écarter du grand objet pour lequel il lui a été donné ; si, au lieu d’en tirer vanité, il y découvrait son néant, et un motif de plus de s’humilier, lui et tout son savoir, devant celui qui est la science la sagesse et la puissance infinie !

Quand Marc eut recouvré ses forces, il avait perdu tout espoir de revoir Betts. Il était possible que le pauvre diable fît la rencontre de quelque bâtiment ou arrivât à une île. La pinasse était bien approvisionnée, très en état, sauf le cas de tempête, de tenir la mer, et si Bob continuait à gouverner à l’est, il pourrait atteindre quelque point de l’Amérique du Sud. Mais qu’en résulterait-il pour lui, pauvre solitaire abandonné ? Qui ajouterait assez de foi au récit d’un simple matelot, pour envoyer un bâtiment à la recherche de Marc Woolston ? Aujourd’hui, sans doute, le gouvernement n’hésiterait pas à le faire, s’il ne se présentait pas d’autres moyens de le secourir ; mais à la fin du dernier siècle, son pouvoir n’allait pas jusque-là. C’était à peine s’il pouvait protéger ses matelots contre la presse que faisaient les Anglais ou contre les recruteurs d’esclaves d’Algérie ; encore moins aurait-il songé à aller délivrer un malheureux échoué sur un rocher au milieu de l’océan Pacifique. Si les bâtiments américains se hasardaient sur ces lointains parages, c’était dans des circonstances rares, et en si petit nombre qu’il il n’y avait aucun espoir à en concevoir. C’était un sujet sur lequel le pauvre Marc n’aimait pas à s’appesantir, et il faisait tous ses efforts pour en détourner ses pensées.

On avançait dans l’automne, qui sous cette latitude n’est guère qu’une continuation de l’été. Toutes les plantes potagères étaient arrivées à pleine maturité, et il avait fallu en abandonner la plus grande partie à la basse-cour. Marc vit qu’il était temps de recommencer ses couches, en choisissant les semences qui supporteraient le mieux l’hiver, si hiver il y avait. Il passa en revue tous ses domaines, examinant avec soin l’état tant de chaque plante que du sol lui-même.

Les orangers, les figuiers, les citronniers, etc., placés en ligne sous les rochers, avaient prospéré au delà de toute attente.