Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/187

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dénudés, avec son Éden si riant et si frais. Ses yeux se remplissaient de larmes en pensant que son mari avait été confiné dans ces solitudes arides, en n’ayant d’autre eau que celle qui pouvait tomber du ciel ou qu’il trouvait dans les futailles du bâtiment. Mais Marc lui dit de prendre patience, et que quand elle serait arrivée au pied du Cratère, elle verrait s’il pourrait jamais assez remercier Dieu de tous les biens qu’il lui avait prodigués.

En passant devant la prairie, Marc fut surpris d’y voir tous les porcs, grands et petits, et ils étaient alors une vingtaine. Tout le troupeau était venu jusque-là en suivant le long des rochers, et ils étaient à plus de quinze milles de leur habitation ordinaire. Ils paraissaient gras et bien portants. L’eau qui avait couvert les herbes marines s’était évaporée en grande partie, et les porcs, dans un endroit surtout, avaient si bien fouillé et retourné le sol, enfonçant les herbes sous une couche de vase, que Marc ne douta pas que, les pluies aidant, il n’eût là dans quelques mois un terrain des plus productifs.

Vers le milieu de la journée, Marc aborda au lieu de débarquement ordinaire, et embrassa Brigitte pour lui souhaiter la bienvenue dans son nouveau domaine. Chaque chose était à sa place, et il lui suffit d’un coup d’œil pour se convaincre que nul être humain n’avait mis le pied sur le Récif pendant son absence. Kitty était à brouter sur le Sommet, et un épagneul n’eût pas fait plus de gambades à l’aspect de son maître. Marc avait eu un moment la pensée de transporter la jolie petite bête au Pic pour la réunir au troupeau qui y était rassemblé ; mais il avait réfléchi que ce serait priver le Sommet d’un de ses principaux ornements, en même temps que Kitty mettait ordre à ce que l’herbe ne devînt ni trop longue ni trop épaisse. Il lui avait donc amené une compagne qui, dès qu’elle fut à terre, se mit à courir jusqu’à ce qu’elle eût rejoint l’étrangère qui ne parut faire nulle difficulté de partager son pâturage avec elle.

La visite au bâtiment fut pour Brigitte un moment rempli des émotions les plus diverses. Il était impossible de voir ce pont désert, ces mâts dégarnis, cette solitude qui régnait partout,