Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/224

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— D’abord, il n’y a point d’autre canal ; ce que vous me montrez est une baie qui ne touche pas au Récif ; ensuite — mais, grand Dieu ! Brigitte, ce sont les sauvages !

Le doute n’était pas possible ; ce que Brigitte avait pris pour un troupeau, c’étaient les têtes et les épaules d’une vingtaine d’Indiens qui s’étaient accroupis pour observer les mouvements du bateau. Ils avaient deux canots, deux canots de guerre, qui plus est ; mais on n’en voyait pas d’autres, du moins sur ce point.

C’était une grave découverte ! Marc avait espéré que le Récif, qui de tous côtés était d’un abord si facile, continuerait longtemps encore à être pour les sauvages une terre inconnue. Il n’y avait de sûreté pour eux qu’à ce prix ; car leurs forces combinées pourraient à peine défendre la place contre les guerriers de Waally. Il n’y avait pas de temps à perdre en réflexions inutiles ; Il fallait prendre de promptes et énergiques mesures.

Le premier point était d’apprendre à ses compagnons ce dangereux voisinage. Comme l’embarcation avait été vue par les Indiens, et d’autant mieux vue que ses voiles étaient déployées, il n’y avait aucun motif de changer de direction. Le Cratère était devant leurs yeux, mais le navire ainsi que le schooner devaient aussi s’offrir à leurs regards, quoique confusément et d’une manière indécise, puisqu’ils en étaient à près de deux lieues de distance. L’aspect du navire pouvait produire sur eux deux effets tout différents : il pouvait enflammer la cupidité de Waally, et le déterminer à hâter son attaque, dans l’espoir de s’emparer d’un pareil trésor ; ou bien, il pouvait l’intimider par les moyens de défense qu’il lui supposerait. Il était rare que des bâtiments se hasardassent au milieu des îles de l’océan Pacifique sans être bien armés. Les Indiens, loin de soupçonner le véritable état du Rancocus, lui croiraient un nombreux équipage, qu’il pourrait être dangereux d’attaquer. Ces pensées diverses se présentaient à l’esprit de Marc, pendant que la petite embarcation regagnait le port.

Brigitte se conduisit admirablement. Elle trembla un moment