Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/49

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avait pas à craindre que le temps changeât pendant son absence. Tous les indices étaient favorables, et Marc descendit dans le canot, mais avec une répugnance qui n’était que trop manifeste. C’est une grande épreuve pour un marin, même dans une position semblable, d’abandonner son bâtiment pour une grande partie de la journée. La nécessité le commandait dans cette circonstance mais, tout en se résignant, Marc ne pouvait repousser de sinistres pressentiments, en dépit des signes favorables de l’atmosphère.

Lorsque Marc eut pris place dans l’embarcation, Bob, qui s’était cramponné au bâtiment, lâcha prise ; puis il établit la voile. La brise était légère et favorable, ce qui pouvait être moins rassurant pour le retour. Malgré l’attention qu’il avait mise à reconnaître les brisants sous le vent, notre marin commença son petit voyage sans avoir de plan bien arrêté. Ces brisants n’étaient pas moins nombreux que ceux du vent ; seulement il y en avait tant que la mer était calme au milieu. Une fois engagée dans ces lignes brisées de rochers, une embarcation se trouvait comme un bâtiment qui est dans une baie, les vagues de la mer épuisant leurs forces sur les blocs extérieurs, et venant expirer impuissantes dans l’enceinte naturelle qu’elles ont eu peine à franchir. Mais l’Océan même à l’état de repos, n’est pas de composition facile, quand il vient à trouver sur son passage des rocs et des bancs de sable et c’était de ces rencontres que, même dans la baie, on pouvait faire à chaque pas, et il fallait la plus grande vigilance pour s’en garantir autrement l’embarcation, la seule qui restât au Rancocus, eût chaviré infailliblement, et c’eût été une perte irréparable.

Le canot s’éloigna du bâtiment par un mouvement facile. Il y avait juste autant de vent qu’il en fallait pour une si petite embarcation, et Bob commença à jeter la sonde, Marc préférant tenir le gouvernail. Mais c’était une opération qui n’était pas aisée sur une embarcation si basse, avec la vitesse qui lui était donnée, et Bob dut y renoncer. Comme au retour ils seraient obligés de faire usage des avirons, Marc dit en riant qu’il senti-