Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/165

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— Que signifie cette mauvaise plaisanterie ? demanda le pilote en fronçant le sourcil.

— Je croyais que ce serait moi qui rirais à vos dépens, dit Manuel, affectant de partager la gaieté du capitaine anglais ; je vous assure que la discipline est aussi rigoureuse dans notre corps que dans aucun autre. Mais puisque le factionnaire ne veut pas vous connaître, le sergent vous connaîtra. Faites-le appeler, et qu’il donne ordre à ce soldat de nous laisser passer.

— Je vois que vous avez à la gorge quelque chose qui vous gêne, dit Borroughcliffe ; vous avez besoin d’une bouteille de ce généreux liquide. À la bonne heure, Peters, ouvrez cette fenêtre, et appelez le sergent.

— Suivez-moi, répondit le jeune marin.

À l’instant où la sentinelle avait le dos tourné pour exécuter l’ordre de son capitaine, Griffith sauta sur lui, lui arracha son mousquet des mains, lui donna un grand coup de crosse sur les épaules, le renversa par terre, et s’écria :

— En avant maintenant ! le chemin est libre.

— En avant ! répéta le pilote en sautant par-dessus le corps du soldat, un poignard dans une main et un pistolet dans l’autre.

Manuel le suivit au même instant, armé de la même manière, et tous trois descendirent l’escalier à pas précipités, sans rencontrer personne pour mettre obstacle à leur fuite.

Peters était encore étendu sur le carreau, et Borroughcliffe était hors d’état de poursuivre les fugitifs. Cet acte imprévu de violence l’avait même tellement étourdi qu’il se passa quelques instants avant qu’il pût recouvrer la voix, lui que la parole abandonnait rarement. Le factionnaire fut le premier à retrouver l’usage de ses sens et de ses jambes ; et s’étant relevé, son capitaine et lui se regardèrent avec un air de condoléances mutuelle.

— Donnerai-je l’alarme, mon capitaine ? demanda enfin la sentinelle.

— Je crois, Peters, qu’il vaut mieux n’en rien faire. On ne sait pas ce que c’est que la reconnaissance et la civilité dans le corps de la marine.

— J’espère que vous vous rappellerez, mon capitaine, que j’ai fait mon devoir, et que j’ai été désarmé en exécutant vos ordres.

— Je ne me rappelle rien, Peters, absolument rien, si ce n’est que nous avons été maltraités. Ce militaire amphibie m’en rendra